Chapter 1: Sweet childhood

Amelia nait à Londres, comme beaucoup d’autres enfants avant et après elle. Son enfance fut paisible et agréable. Pourquoi faudrait-il que tout tourne toujours mal, hein ? Non, Amelia vécut avec ses deux parents et sa grande sœur, dans un bonheur des plus simples. Oh, bien évidemment, il y avait des bêtises, des disputes, mais rien de bien exceptionnel. Et, comme beaucoup, elle ne se rendra compte de sa chance que bien plus tard, quand tout sera parti en poussière… mais en attendant, elle restait une enfant sage, studieuse, avec peu d’amis, mais avec de bons amis. Sans être du genre à faire les quatre cent coups, elle aimait se créer des aventures au parc non loin de chez elle, revisitant les dessins animés et les films qu’elle avait vus avec ses amies.
Déjà à cette époque, Amelia était du genre à protéger les gens qu’elle aimait, à prendre soin d’eux… Peut-être un peu trop pour son propre bien, mais elle ne voulait pas mettre de limites à sa gentillesse et à sa bonté. Elle faisait la fierté de ses parents, qui avaient choisi depuis longtemps une carrière médicale. Ils lui avaient fait apprendre leur numéro de téléphone par cœur, au cas où il arriverait quelque chose, pour qu’elle puisse les joindre en cas d’urgence. De plus, ils avaient également tenu à lui enseigner les gestes de premier secours… Et elle fut obligée de s’en servir bien trop tôt…

— Fais attention, il est haut cet arbre ! — ne put-elle faire autrement que de prévenir son amie. Elles jouaient dans le parc, comme d’habitude. Grimper aux arbres, elles en avaient l’habitude. Ils se transformaient en tours, en maisons, en falaises et tout ce qui pouvait bien leur passer par la tête. Un jour, ils avaient même été des dragons. Peu importait quelle forme ils prenaient, jamais elles ne s’étaient blessées plus que quelques égratignures ici et là… Sauf que… cette fois, Claudia chuta de la branche sur laquelle elle était perchée. Son cri retentit dans le parc et alerta les parents qui étaient là avec leurs propres enfants.
Amelia, quant à elle, ne perdit pas son calme. Non, à la place, elle s’approcha de son amie pour vérifier où celle-ci avait mal. La chute avait abîmé sa cheville. Elle se débarrassa de son pull pour créer un coussin improvisé sous l’articulation blessée et se tourna vers les adultes qui s’étaient attroupés autour d’elles. — Est-ce que je peux emprunter votre téléphone s’il vous plaît ? — demanda-t-elle à une femme qui avait l’air plus abordable que les autres. — Ma maman est médecin et mon papa est ambulancier… ils sauront quoi faire. — Amelia ne savait pas bien pourquoi aucun d’entre eux n’avait pas déjà appelé les secours, ou même pourquoi ils restaient silencieux en la regardant.
Finalement, une main se tendit avec un téléphone au creux de la paume. De tête, elle composa le numéro de son père. Il répondit après la seconde sonnerie, ne sachant pourtant pas que c’était elle qui appelait. — Papa ? Claudia est tombée de l’arbre… je crois qu’elle s’est cassée la cheville. Si tu n’as pas d’autres urgences à t’occuper avant, est-ce que tu pourrais venir ? — Bien sûr ma chérie, j’arrive tout de suite. — Elle raccrocha et rendit son téléphone à la femme qui avait eu la bonté de le lui prêter.

À partir de ce jour, plus encore que tous les autres, Amelia se dirigea sur le même chemin que ses parents… même alors qu’elle vieillissait, elle veillait toujours sur les autres, les plus jeunes, les plus petits, mais aussi ceux qui, en apparence, n’avaient pas besoin d’aide. Elle s’attirait bien évidemment les foudres des bullies, mais elle n’en avait rien à faire. Elle ne supportait pas de voir les autres souffrir.

Chapter 2: Helping people

Amelia s’était tout naturellement tournée vers la faculté de médecine. À ses yeux, c’était la meilleure façon qu’elle avait pour aider les gens autour d’elle. Pour atténuer leur souffrance, qu’elle soit physique ou psychique. Mais, plus que ça, elle leur apportait son soutien, leur venait en aide. Elle avait toujours eu plus d’affinités avec les enfants cependant… ou peut-être était-ce parce qu’elle ne supportait pas leurs pleurs… et qu’à travers leur guérison, l’apaisement du cœur de leurs parents.
Elle avait toujours eu la patience de traiter ces petits êtres. Lorsqu’elle avait fait son internat à l’hôpital, son superviseur avait vite compris qu’elle avait un don avec les enfants et, très vite, c’était elle qu’il appelait quand se présentait aux urgences une famille. Il aimait la voir à l’œuvre avec ses patients, même s’il était toujours là pour garder un œil sur son travail. Après tout, elle était encore en étude, mais elle était son élève la plus prometteuse. C’était lui qui l’avait conseillée sur la spécialité de la pédiatrie. Il aurait été trop bête de passer à côté d’une telle vocation.

— Est-ce que quelqu’un peut m’aider ? S’il vous plait ? — Amelia était en train d’étudier le dossier d’un patient quand la voix avait surgi, au-dessus des autres, dans le hall des urgences. Elle leva la tête des feuilles et croisa le regard d’un grand homme à l’air désespéré. Il était impressionnant, et pourtant, avec l’enfant dans ses bras, il semblait des plus fragiles et désemparés. Quand il remarqua qu’il avait son attention, il s’avança vers elle. Amelia le rejoignit à mi-chemin. — C’est mon neveu, je ne sais pas quoi faire… — D’une main légère sur son bras, elle le guida vers un lit non occupé pour qu’il y dépose le petit garçon.
Elle sentait son regard inquiet sur elle alors qu’elle se mettait au travail. Elle tournait autour du lit sans un mot. Elle savait qu’il aurait aimé qu’elle commente ses actes, mais elle était concentrée sur son patient et rien d’autre. Elle écoutait son cœur, prenait sa température, étudiait ses pupilles et tellement d’autres examens. Elle finit par lui faire une perfusion et demander aux infirmières de lui ramener une couverture froide.
Et enfin seulement elle se tourna vers l’homme dont elle ne connaissait toujours pas le nom.
— Tout va bien se passer. Il n’a fait qu’une insolation doublée d’hypoglycémie. Il va vite aller mieux, une fois que sa température sera tombée un peu, et que la perfusion lui aura donné les nutriments nécessaires, il sera comme neuf ! — Elle ponctua son discours d’un sourire encourageant et l’inconnu eut un soupir de soulagement. — Merci beaucoup. — Laissons-le reprendre des forces et allez appeler ses parents pour leur dire que tout va bien. Et ensuite, j’ai des papiers à vous faire remplir. — Il hocha la tête et s’éloigna de son neveu pour trouver un endroit calme où passer son coup de fil.

Il revint quelques jours plus tard. Avec l’excuse de lui donner des nouvelles de son neveu, mais en vérité pour lui demander si elle voulait bien aller prendre un thé avec lui.

Chapter 3: A life that’s good

Amelia et Paul ne s’étaient pas quittés depuis. Du moins, quand ils ne travaillaient pas. Amelia avait fini son internat à l’hôpital et avait racheté la patientèle d’un pédiatre en centre-ville. Paul était professeur d’histoire. Il leur arrivait d’organiser des reconstitutions historiques. Amelia aimait toujours autant les histoires, et la passion de Paul lui permettait de trouver une petite échappatoire au quotidien. Car même si Amelia adorait sa vie, son métier, elle avait besoin, comme tout le monde, de décompresser.
Quatre ans après qu’ils se soient rencontrés, ils s’étaient mariés. Paul avait fait sa demande le jour anniversaire de leur rencontre à l’hôpital. Ils vivaient alors ensemble depuis déjà quelques mois et ils avaient parlé d’officialiser un peu les choses. Ils auraient pu ne pas passer par là, mais le mariage était une chose importante à leurs yeux… d’autant plus qu’ils envisageaient d’agrandir leur famille. Ni l’un ni l’autre ne pensait qu’un jour ils se sépareraient, mais, dans le cas où le destin leur réserverait de mauvaises surprises, ils voulaient que l’enfant à venir ne soit pas déchiré entre deux options. Amelia ne voulait pas que, s’il lui arrivait quelque chose, l’enfant ne puisse pas rester avec son père. La loi était bien mal faite parfois.

— Tout va bien se passer, ma chérie. Il n’y a pas de raison pour que ça se passe mal. Toute ta grossesse s’est déroulée parfaitement. Tout ira bien. — Paul lui tenait la main et ne grimaçait même pas alors qu’elle broyait ses phalanges. Il avait raison, elle n’avait aucune raison d’être inquiète. Tous les suivis durant sa grossesse n’avaient rien montré de préoccupant. Sa grossesse ne faisait pas partie des « à risques ». Pas de jumeaux, pas trop vieille pour avoir des enfants, pas d’antécédents. Tout se passerait bien… — Respire et calme-toi, Amelia. — Elle s’appliqua à respirer profondément et riva son regard au sien. Pour une fois, son calme légendaire lui faisait défaut, mais elle pouvait compter sur le soutien indéfectible de son époux. Le calme commençait à revenir en elle, quand une contraction électrisa tout son corps et qu’un cri lui échappa.
Amelia n’aurait su dire combien de temps le travail dura. Elle avait l’impression d’avoir été enfermée dans une bulle au-delà du temps, de vivre une éternité dans cette douleur, et pourtant, tout semblait s’être passé si vite. Quand, enfin, Paul réapparut dans son champ de vision, il était tout sourire. L’infirmière déposa l’enfant dans ses bras rendus faibles par l’effort. Ils avaient tenu à garder le sexe secret, pour avoir la surprise le jour J. Paul semblait être le plus radieux des pères. — C’est une petite fille. Une magnifique petite Diana. — Amelia eut un faible sourire. — Notre petite Amazone… —

Paul avait eu raison : tout s’était bien passé. Diana était en parfaite santé. Elle avait déjà un sourire sur son radieux visage, ne pleurait presque jamais. Amelia ne se lassait pas de la contempler. Elle aurait pu se noyer dans son regard. Sa petite fille, leur petite fille, leur trésor le plus précieux. Elle ne pouvait pas penser à un moment plus heureux de toute son existence et était persuadée que Diana ne pourrait rendre le monde que plus beau à mesure qu’elle grandirait.

Chapter 4: Death would have been sweeter

La vie se déroulait de façon paisible. Paul jouait les papa poule, prêt à défendre sa fille contre le premier venu qui oserait lui faire du mal. Il luttait chaque jour un peu contre la misogynie ambiante, cherchant à défaire ce sexisme ancré dans la société pour que Diana grandisse dans un monde plus sûr, plus juste. Elle était sa princesse, mais plus encore que cela. Amelia n’en pensait pas moins, évidemment. Beaucoup disent que leur vie s’arrête quand ils ont des enfants, mais pour Paul et Amelia, c’était tout l’inverse : c’était comme s’ils avaient trouvé le but de leur vie, le sens à lui donner. Et Diana dépassait toutes leurs espérances. Elle adorait l’école. Un soir elle demanda même à ses parents si elle allait avoir un petit frère un jour. Ils se regardèrent avec un sourire. Ils y pensaient depuis plusieurs semaines et Amelia venait d’avoir les résultats de sa dernière analyse sanguine : elle était à nouveau enceinte.

— Le temps de fermer le cabinet et je rentre à la maison. Est-ce que tu peux lancer la cuisson des pâtes ? Le reste est déjà tout prêt, il faudra juste faire réchauffer. — Son téléphone coincée entre son oreille et son épaule, Amelia rangeait ses affaires. Elle n’avait qu’une hâte : rentrer. Son ventre s’arrondissait lentement. C’était à peine visible, mais Diana ne manquait jamais une occasion de venir poser sa joue tout contre pour chuchoter quelques mots à son futur petit frère. Un sourire étira les lèvres de la jeune femme alors qu’elle quitta son lieu de travail. Dans le métro, elle trépignait d’impatience. Le trajet lui sembla durer l’éternité. Mais alors qu’elle arrivait près de la maison, alors que sa main tournait la poignée, son cœur se serra d’une mauvaise intuition. La porte s’ouvrit et Diana n’accourut pas pour l’accueillir. La demeure était d’un silence intenable. À mesure qu’elle avançait vers la cuisine, Amelia cherchait à se convaincre que sa fille devait simplement être occupée à aider son père et ne l’avait pas entendue rentrer.
Mais non.
Non.
Dans la cuisine, tout était retapissé d’écarlate. Amelia refusait d’accepter ce qui se présentait sous son regard. Sa fille… Paul… Et un inconnu. Un homme qui, penché sur leurs corps, commettait l’irréparable, l’inconcevable. Pourquoi eux ? Pourquoi ? Le monde ne pouvait-il supporter leur bonheur ? Dans cet univers où tout devait être cruel et déchiré, personne ne pouvait donc aspirer à la joie ? Amelia sentit ses genoux heurter le sol et pourtant la douleur n’irradia pas son corps. Elle ne ressentait plus rien.
Comme si elle était déjà morte.
Comme si elle avait perdu la vie en même temps que les gens qu’elle aimait.
Puis la créature leva la tête vers elle. Maigre. Blafarde. Aux veines trop visibles. Pas humaine. Mais Amelia n’avait pas la force de fuir. En vérité, elle ne le voulait pas. Autant rester avec ceux qu’elle aimait. Autant les rejoindre. Elle n’avait aucun désir de leur survivre… — Petite chose, tu feras une distraction parfaite… — Elle ne comprit pas. Elle ne voulait pas comprendre. Elle vit la créature foncer sur elle, et le froid et les ténèbres s’abattirent sur elle.

— Réveille-toi, ma douce… Allez… — La voix était lointaine, mais elle s’y accrocha. Elle ressemblait à celle de Paul. Papillonnant des yeux, la silhouette floue qui se dessina devant ses yeux lui ressemblait aussi. Grand, les épaules larges, les cheveux sombres… mais alors que sa vision s’éclaircissait, le visage était différent. Amelia émit un gémissement désespéré. La douleur dans son cœur était si puissante qu’elle se faisait physique. — Non, non, non… Pourquoi ? Pourquoi je ne suis pas avec eux… pourquoi ? — Elle cherchait à se défaire de l’étreinte de l’inconnu mais il ne la lâchait pas. Elle sentit du chaud et humide sur son menton. Ses doigts apparurent maculés de rouge. — Non, non, non… laissez-moi mourir… LAISSEZ-MOI MOURIR ! — Jamais, ma douce, jamais… —

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