La musique adoucit les mœurs… Enfin c’est ce qu’ont tendance à dire les humains. Thenos, lui a étonnement la même façon de penser à ce propos. Pouvoir profiter des beaux accords (quand ils sont bien exécutés) de la guitare. Une chose dont l’ange a toujours apprécié quand il vivait au Népal. Hormis cette passion du combat, Thenos aimait passer du temps à écouter pendant des heures, son frère Elerios qui était si doué à la gratte. Il est arrivé par la suite que le jeune homme apprenne les bases de cet instrument à son ainé. S’entraînants même quelques fois au chant.

C’était sans doute la seule chose qui pouvait encore lier le nephilim à son défunt frère. Le livreur était déjà passé plusieurs fois au disquaire pour y déposer des colis. Ça n’était pas le métier rêvé pour cet homme ailé qui n’appréciait pas la race humaine. Dans tous les cas, il n’allait pas faire un tel effort pour eux, ça jamais. Non, c’était juste pour se remémorer de bons vieux souvenirs et oublier un peu pourquoi il était là, à Londres.

Parcourant les rues de la capitale anglaise, Thenos marchait au milieu du trottoir tout en rétractant ses ailes. Il était clair que les siens n’étaient pas réellement faits pour vivre ici… Rien n’était en place pour leur facilité la vie. Tout semblait étroit et mal organisé, typiquement humain quoi. A chaque fois qu’il croisait un de ces faibles mortels, le nephilim n’arrêtait pas de se sentir dévisagé et personne ne semblait vouloir de sa présence. Le grand brun se rassurait en se disant que lui aussi préférait être ailleurs, auprès des siens.

Sa force angélique poussa la porte d’un magasin de disque, le forçant à plier ses plumes au maximum. Thenos grimaçait tout doucement et posait son regard sur l’humain qui venait à sa hauteur, l’air ahuri. « J’peux vous aider ? » Ce vendeur, "Eric" comme indiqué sur son badge... Mâchouillant un bout de son burger et l'air si simplet. Le nephilim le snoba du regard et ses yeux allèrent jusqu’aux disques disposés sur les étages un peu plus loin dans la boutique. Une fois arrivé, Thenos empoigna un casque pour le mettre sur son crâne. Le grand brun ferma les yeux et écoutait cette guitare qui lui remémora quelques vagues souvenirs d’enfance. L’appareil reposait à l’endroit où il avait été retiré, le nephilim n’allait pas plus loin histoire de ne pas tout foutre au sol. Une grimace et Thenos s’adressa à la vendeuse située à ses côtés, surement en train de ranger un de ses disques au genre bien pourri. « Il est possible d’essayer vos guitares ? » L’ange n’en avait pas vu depuis son arrivée, mais il espérait bien que ce magasin en dispose… Au moins d’une, quitte à ce qu’elle soit dans l’arrière-boutique. Le népalais voulait simplement en jouer, rien d’autre.

     

Le pouvoir de la musique. Y a rien de mieux à tes esgourdes. Tu ballottes ta bouille de gauche à droite et fredonne un air. Eric sur tes talons, un sandwich et de la salade plein la gueule. Tes dextres pianotent sur le comptoir et tes quenottes maltraitent une gum au goût de fraise. Tu soupires, lève tes iris au plafond et pivote sur toi-même pour coller ta truffe contre la sienne.

« - Non mais tu vas me lâcher la grappe, oui ? Va t’occuper des clients pour une fois !

Ses godilles qui lui servent de semelles grincent et il te jette un regard mi- offusqué, mi- surpris. Le message est pourtant clair. Aujourd’hui, t’es clairement pas d’humeur à déblatérer et tergiverser sur tel ou tel groupe. Et à ta grande surprise, l’autre abruti s’exécute pour s’adresser à une grande perche. Avec … son sandwich plein les babines.

- … Will, change de vendeur.

Le concerné, trop habitué, ne daigne même pas lever le menton vers toi en répondant.

-  Pour la millième fois, non.

Tu chopes ta tasse vide, marmonne entre tes quenottes et passe derrière lui.

- De toute façon, y te manquerait trop.
- Parle à mon doigt, que tu beugles en levant ton majeur sous son nez, avant de lâcher un sourire à une cliente. Bonjour, n’hésitez pas si vous avez besoin !

Faut bien justifier ta paie. Et si possible, en chopant les clients les plus mignons. T’agrippe une caisse neuve, décortique le couvercle en bois et fonce vers un rayon pour trier et ranger plusieurs vinyles. La perche importunée par ton idiot te collègue juste à ta droite. Tu ne lui jettes un regard que pour répondre à sa question. Mais ses mirettes émeraudes sur sa belle gueule à la mâchoire d’acier te font manquer une syllabe ou deux.

- ehbah, hrm, yep, faut monter.

Wow, c’était quoi ça ?

- Enfin, attendez.

Tu pivotes, fonce vers le comptoir et te penche par-dessus.

- Psst, Will !
- Comment va ton doigt ?
- Déconne pas et file-moi ta gratte !


Ton patron pas si patriarche lève ses mirettes, arques froncées.

- J’ai pas de … Oh, Celle de la réserve ? Et en quel honneur ?

Tes prunelles s’écarquillent et tu lances entre tes dents :

- Bombe sexuel derrière moi, rayon alternatif.

L’air blasé de brun est tout sauf encourageant.

- Allez quoi ! Tu t’en sers jamais, abuse pas !
- Je l’ai pas accordée depuis une éternité …
- je m’en charge.

Soupire. Chaise qui pivote et hurlement de manager derrière ton dos.

- ERIC ! NE MANGE PAS DEVANT LES CLIENTS !
- Allez grouille !
- Inutile de te dire le surveiller, je sais que tu t’en chargeras.

Will te passe l’objet de malheur et tu t’empresses de le choper en te composant un air flegmatique sur la gueule, revenant vers sexy-brun pour lui faire signe de te suivre à l’étage. Où t’as déjà foncé tête la première pour coller ton cul sur un tabouret et fredonner en accordant la bestiole.

- C’est la guitare personnelle du patron de la boutique, je la dépoussière un peu et je vous passe ça. »

Tu t’exécutes rapidement et lui passe en douceur, avant de filer dans le fond du salon / musique pour t’allumer une cigarette en ouvrant la fenêtre.

     

Un casque sur les oreilles et Thenos grimaçait la seconde suivante… Quelle musique de sauvage. Comment ces humains pouvaient écouter et se détendre sur ce genre de son rachitique et vide de sens. Le népalais s’éloignait de cette création du démon pour laisser son aile taper un rayon et tout foutre parterre. Il ne pouvait même pas se tourner comme bon lui semblait puisque ce monde n’était pas fait pour lui, juste pour ces êtres dégueulasses qu’étaient les humains. Un vinyle éclaté jonchait sur le sol et l’ange relevait un sourcil en se disant que ce n’était pas vraiment une grosse perte vu la gueule des types sur la pochette… Pink Floyd ? Jamais vu plus débile comme nom.

La vendeuse s’activait de son côté pour trouver une guitare demandée par Thenos. C’était un magasin de musique et il n’était clairement pas foutu de posséder quelques instruments ? Mais avec quoi les humains pouvaient faire de l’instru ? Avec des couverts en argent et des fesses qui claquent ? L’ange soupirait parce-que c’était long et ennuyeux. Il tuait le temps comme il pouvait depuis ses derniers jours, les pistes concernant la mort de son frère n’avançaient pas et le népalais préférait se changer les idées pour quelques temps. Plus les journées passaient, plus Thenos se demandait s’il n’avait pas besoin d’un ou d’une allié(e) pour l’aider dans sa quête et l’aiguiller sur ses découvertes. Il commençait à réellement y songer et il était temps pour le nephilim de se bouger le derrière.

Une guitare entre les mains et un signe, la jeune femme invitait l’ange à grimper à l’étage. C’était plus calme et spacieux, donc aucun risque pour Thenos de mettre la marchandise sur le plancher. « Faudra le payer, m’sieur ! » S’exclamait le vendeur au burger. Le nephilim pouffait discrètement et emboitait le pas derrière la collègue du nullos. Cette dernière accordait l’engin et l’ange s’impatientait de plus en plus. Il avait besoin de jouer, rien qu’une minute. Il ne comptait pas faire un concert, mais juste gratter et peut-être bien par finir à chanter.

L’objet atterrissait dans les mains de Thenos qui se craquait les doigts et le cou pour se sentir le plus détendu possible. Jouant ses accords comme autrefois, la mélodie le replongeait dans une époque fort lointaine et qui lui remémorait des souvenirs avec son jeune frère, Elerios. Puis, au fil des différents accord joués, Thenos ne pu s’empêcher de fredonner une chanson pour son simple plaisir, celui de la chanter en souvenir de sa génitrice.

     

Tu le fixes en train d’accorder la gratte. Sourcils froncés. Il est visiblement très concentré sur sa tâche. Toi, tu tentes de rester discrète, de ne pas le déranger. Le client semble clairement contrarié, même si tu ignores par quoi. T'as déjà fait un sacré effort pour lui dénicher une guitare alors que vous êtes chez un disquaire. La boutique n’a jamais eu la place de contenir plus et même si William rêve d’agrandir pour se spécialiser aussi dans l’instrumentalisation, il avait dû rapidement se rendre à l’évidence. Les vinyles perdent de leurs intérêts, ils ne parviennent plus à conquérir comme avant. Et pourtant, ton patron persiste, refusant de laisser tomber un marché aussi noble que ce dernier. T’es bien d’accord avec lui. Même si tu lui as assuré que la situation en Angleterre est tout de même sacrément moins grave qu’en France. Le brun commence alors à chanter doucement et un sourire perce tes traits délicats. Il a une voix absolument étonnante. Contrairement à l’apparence bourru du type, son timbre lui, est clair et presque délicat. Un nouveau sourire étire tes lippes et lorsqu’il termine, tu fermes la fenêtre pour te lever et avancer doucement vers lui.

« - Vous avez la voix d’un ange.

Tu souris doucement, haussant les épaules.

Tu le penses, alors tu le dis. C’est tout, c’est aussi simple que ça. T’as jamais rechigné à être sincèrement gentille avec les gens, même s’ils ne le rendent pas toujours. Et l’autre imbécile d’Eric choisit ce moment pour débouler avec sa dégaine de timbré.

- Eric, dégage !
- Mais il a cassé un truc en bas avec ses grosses plumes et -
- Fous-le-camp, va te trouver un client à traumatiser.

Pour toute réponse, le grand dégingandé t'envoies un doigt d’honneur à la figure et tourne les talons. « Ses grosses plumes ». Quelle expression de merde. En plus d’être étrange, c’est carrément déplacé et ton air offusqué doit être aussi clair que de l’eau de roche. Ce type-là est loin d’être gros. Cette fois, c’est une grimace navrée que tu offres.

- Je voudrais bien vous dire qu’il est pas toujours comme ça mais …


Tu fronces les sourcils, puis balance ta bouille de gauche à droite.

- Pff, qui le croirait ? Continuez à jouer si vous voulez, je vous laisse tranquille. »

Aussitôt dit que tu t’apprêtes à descendre, il n’est clairement pas débutant avec ce type d’instrument et la guitare risque plus en prenant la poussière qu’en étant entre les mains de ce gars-là !

     

Les accords et les paroles se répétaient, Thenos chantait comme si ses proches étaient là tout près de lui. Son cœur se serrait avec légèreté quand l’ange enchainait ses dernières notes, se remémorant cette nostalgie passé. Il n’était pas le genre de type à se laisser aller, à se morfondre en repensant aux beaux souvenirs. Non, Thenos étais bien plus fort que ça et être faible mentalement n’était réservé qu’aux humains, pas aux gens de son espèce. L’instrument se déposait sur son socle et le nephilim écoutait la fine critique de cette drôle de gamine… Il savait qu’elle n’était pas comme lui, mais le grand brun la sentait bien différente de ces êtres bizarres qui l’entouraient quotidiennement. Elle dégageait quelque chose de peu commun qui mettait le doute à l’ange. Qu’était-t-elle s’il n’était pas humaine ? Une harpie ? Non, elle sentirait la moisissure et Thenos aurait pu distinguer un poil de haine dans sa façon d’être. Pour sûr, l’ange allait se pencher sur la question. Il fallait qu’il le découvre.

En tout cas, l’autre type appelé Eric était bel et bien humaine ce qui faisait sourire Thenos. C’était rare, trop même, mais c’était une chose qui existait. « Ça ira. J’ai l’habitude d’avoir à faire à ce genre de gars. » Son pouce vers l’arrière pour désigner le collègue de la demoiselle, le nephilim tapotait ses poches en faisant une moue. « Combien… Je vous dois pour vos trucs ? » Poli tout d’un coup ? Ça montrait sa bonne volonté, quand il en avait bien sûr. « Oh et pour le concert privé, c’est moi qui offre. » Un air amusé s’affichait sur le visage de l’homme et il tendit quelques billets à la vendeuse en insistant. Cette dernière se dirigeait vers les escaliers pour retourner au sein de sa boutique. Contractant la mâchoire, Thenos faisait un pas en avant. « Comment vous faites pour vivre dans un monde pareil ? » Hm… Spéciale comme approche.