Je ne sais pas d’où cette attaque est venue, mais elle est belle et bien arrivée. Je rentrais tardivement chez moi et là, mon corps a été projeter dans une ruelle. Les coups sont tombés, la bagarre a été déclenchée. Le loup en moi à rapidement prit le dessus. Crocs qui sortent, coups de couteaux qui pleuvent. Ils ne s’attendaient pas à voire l’homme se changer en loup, ni même à perdre la vie, mais peut-on me blâmer d’avoir tué des inconscients qui souhaitaient ôter ce que je possédais ? Non, bien sûr que non. La seule chose que l’on pourrait me reprocher, c’est de m’être laissé aller à l’esprit bestial qui s’est brusquement emparé de moi. La colère m’aveuglé, la douleur ne faisant naître que rage et colère, qu’amertume et bestialité. Le gout amer du sang dans la gorge, les gémissements ont rapidement cessés, ne laissant que des flaques de couleur carmin se rependre sur le sol. Amarok de naissance, je sais que je guéris plus vite que la normal, mais les blessures sont sévères et la lame d’un des couteaux s’est brisé entre deux de mes cotes. Impossibles de reprendre forme humaine, impossible d’aller à l’hôpital ou encore, de faire tout le trajet jusque chez moi dans cet état…Le choix est rapidement fait, instincts qui prennent le dessus, je sais dès lors où je dois me rendre, même si l’idée ne m’enchante pas spécialement. Le refuge…Grondant silencieusement, j’opte pour les toits, refusant de me faire chopper en pleine rue sous ma forme lupine. Chaque pas est une douloureuse agonie, pourtant, je continue à avancer, à aller de l’avant…Je dois y arriver, je n’ai pas d’autre choix, je dois me faire aider. Ma fourrure, à certains endroits, est plaquée et poisseuse de sang, mais qu’importe, ce n’est pas ma préoccupation première.

Trente minutes pour arriver sur place, mes bonds se faisaient incertains, lourds, douloureux. Je dû m’arrêter plus d’une fois, cherchant à me soulager d’une façon ou d’une autre…Impossible. L’heure avance, la nuit ne fait que se renforcer quand j’arrive enfin au Frye’s bar, ma destination finale. Pas de chance pour moi, il y a encore quelques clients…Grondant silencieusement, je reste tapis dans l’ombre, couché sur le sol, la respiration haletante. Les minutes, les heures s’écoulent quand, enfin, je vois cet humain que j’ai déjà croisé quelques fois dans le refuge. Y étant allé quelques fois avec ma mère et même seul, je connaissais les visages familiers. Méfiant, je me redresse en laissant un petit gémissement m’échapper. Bordel, je déteste avoir mal et ce, même si j’y suis habitué. Ma mère étant loin d’être une tendre, elle avait fait en sorte de m’élever pour que je puisse supporter la douleur…enfin, du moins, c’est ce qu’elle tentait encore de faire. Clients partis, je sais que la fermeture est proche et rapidement, je me dirige vers la porte d’entrée que je pousse avec ma grosse tête de de loup. Sans attendre, je me dirige vers la réserve où Jacke se trouve sûrement vu l’odeur qu’il laisse derrière lui. D’ailleurs, ça pue véritablement ici. Alcool, transpiration, j’ai même l’impression de sentir le sang bien que mon odorat ne soit plus ce qu’il était. Depuis deux ans, ce sens a été amoindri par une bataille avec Lysandre, c’est également ce qui ma couté mon œil, du moins, son utilisation. Je m’arrête juste derrière Jacke, poussant un grognement sévère pour indiquer ma présence. Malgré ma carrure et mes blessures, j’ai appris à me déplacer silencieusement, telle une ombre subtile. Dès qu’il se tourne vers moi, je baisse la tête, signifiant ainsi que je ne suis pas là pour l’attaquer…

Etant sous ma forme lupine, je ne peux pas parler, mais me transformer risquerait de faire plus de dégâts qu’autre chose, je sens encore la pointe de la lame bouger entre mes cotes et le peu de fer qui sort de ma chaire n’est pas suffisant pour que je l’enlève avec mes crocs. Vu mon état physique, je ne doute pas qu’il va rapidement comprendre ce qu’il se passe, néanmoins, je tourne la tête vers ma blessure poussant un petit jappement de douleur.


 

     

Les éclats de verre jonchaient sur le sol du bar. Jack frappait l’ivoire du comptoir et serrait les dents tout en fronçant les sourcils. Son employé faisait des conneries toute la soirée et le garçon continuait à faire valser les cocktails sur les clients. Son torchon essuyait le liquide sur le bar et sur sa chemise neuve. Elle était foutue, tout comme le job du jeune serveur, embauché pour la soirée il n’allait pas remettre les pieds pour bosser ici. Jack savait bien les erreurs qui pouvaient être commise dans un tel métier, mais c’était trop… Tellement qu’on apercevait des fragments de verre dans chaque coin du Frye’s. Le barman continuait de serrer les dents contre son cure-dent et grognait discrètement dans sa barbe. Fatigué, exacerbé, Jack se disait qu’il fallait fermer plus tôt ce soir… une partie de la clientèle quittait l'endroit et le serveur ne tardait pas à suivre le mouvement.

Un balai, une pelle et le gallois débutait le nettoyage du bar, seul. Une musique en fond, le groupe continuait à jouer alors qu’il ne restait encore très peu de clients. Jack vadrouillait dans les lieux sans prêter attention à ce qui pouvait se passer autour de lui. Se mettant d’accord avec lui-même sur le fait qu’il était nécessaire qu’il travaille sans ces employés sortis de nulle part et sans compétences. Les dégâts étaient quelques fois catastrophiques (comme ce soir) et Callum n’amenait pas toujours de la bonne marchandise pour assurer le service en compagnie du gérant, Jack.

Raccompagnant les derniers clients jusqu’à la sortie, Jack n’acceptait plus personne. Il allait fermer en avance et semblait vouloir se coucher plus tôt histoire d’oublier cette journée. Le jeune homme était un poil déçu, n’ayant pas vu quelques habitués qui pourtant passaient ces samedis. Roulant des yeux, le gallois se dirigeait vers la scène pour presser les musiciens à partir. Rabattant ensuite le rideau de fer de l’arrière boutique, Jack retournait vers la grande salle pour y éteindre les lumières. Cependant, il distinguait une drôle d’odeur… Elle ne lui était pas inconnue puisqu’il s’agissait de sang. Des tâches ornaient le parquet et Jack relevait un sourcil. Soudain, un grognement le figeait doucement sur place, ses guiboles ne bougent plus, il n’y avait que sa tête. Là, derrière lui, un loup à poils roux était recouvert de plaies. Le museau de l’animal pointait le sol et gémissait. Jack remit son sourcil en place et écarquillait les yeux, sans trop en faire non plus. « Merde… Adsila ? » L’amarok était dans un sale état et l’humain n’allait pas pouvoir le porter jusqu’au monte-charge. D’un pas décidé, Jack partait en direction de ce dernier et ouvrait la porte. Un signe de main vers Adsila, il fallait que le grand blond agisse rapidement.

Une fois en bas, le gallois amenait l’humanimal sur le premier lit libre. Récupérant du matériel basique pour prodiguer des soins, Jack n’était pas sûr de ce qu’il faisait. Le jeune homme avait déjà soigné des humains, mais pas d’animaux et encore moins un être changeant comme Adsila. « Bouge plus, gamin. » Une piqûre pour endormir l’amarok et l’humain se mettait à tapoter l’écran de son téléphone. « J’ai besoin de toi. » Expliquant la situation à une connaissance vétérinaire, Jack entamait les premiers soins sur la bête. Désinfecter, soigner, recoudre… Les plaies étaient nombreuses. Sauf que Jack avait à faire à une blessure grave. Une lame avait été plantée entre deux côtes et la situation n’allait pas être simple à gérer.

     

La douleur, elle est là et bien là, pourtant, à l’heure actuelle, je me sens d’une faiblesse affligeante. Je ne peux rien faire pour calmer mes maux, je dois me fier à d’autres mains, chose compliquée pour une personne comme moi. C’est donc devant cet humain que je me retrouve, tête baissée en signe de non-agressivité. Je ne sais pas trop ce qu’il pourra faire pour moi, puis, disons que je ne suis pas doué avec les relations inter races. Les Amarok ne sont pas connus pour être d’une grande sociabilité, encore moins avec la race humaine. Mais là, de suite, il est le seul auquel je pense. J’aurais pu chercher à contacter Joshua, mais il m’aurait amené à ma mère et surtout, il m’aurait clairement remonté les bretelles…Mon prénom est prononcé et je redresse la tête, bougeant légèrement la tête en signe d’affirmation. Oui bon, des loups de ma carrure à la fourrure rousse, il n’y en a pas des masses. Encore moins un loup qui rapplique dans un bar, semblant connaître parfaitement l’endroit…Lorsque je le vois ouvrir la porte et m’inviter à entrer, je ne me fais pas prier pour « obéir » et le suivre en bas. Je tente de me soulager en faisant passer mon poids d’une patte à une autre, chose complètement ridicule vu qu’un simple mouvement m’arrache un frisson de douleur. Ma respiration est lourde de sens, ma langue pendant légèrement sur le côté pour m’auto-ventiler comme le ferait un clebs. Putain, je suis littéralement ridicule, mais la situation fait que je n’y prête pas forcément attention. Une fois en bas, j’emboite le pas à Jack, me mettant où je dois me mettre, me couchant lourdement sur le côté, évitant soigneusement de m’appuyer du mauvais pour ne pas enfoncer davantage la lame dans ma chair.

Je vois l’homme s’activer et je ne bronche pas, me crispant néanmoins en voyant l’aiguille. Oh putain, j’ai horreur des piqures, genre, c’est à peine si je ne suis pas en train de tourner de l’œil là…Je grogne légèrement, ne pouvant pas m’en empêcher sans pour autant me carapater comme un chien la queue entre les jambes. De toute façon, même si je voulais fuir je n’y parviendrais pas…Je me contente de le regarder approcher, de l’entendre me dire de ne pas bouger. Bon, si j’avais pu parler je lui aurais dit que je ne pouvais pas aller bien loin, mais c’est juste un grognement étrange qui sort de ma bouche. Pas pratique cette forme lupine pour la communication. Lorsqu’il enfonce l’aiguille dans ma peau, je me retiens clairement de le mordre, devant faire preuve d’un self-control évident. Malheureusement, étant jeune, j’ai encore quelques difficultés à contrôler l’animal en moi et je dois rassembler toutes mes forces mentales pour ne pas lui sauter à la gorge. Groguis, je pose la tête sur le sol en soupirant. Bon, il avait mis une bonne dose, mais pas assez pour m’endormir entièrement, ayant une physionomie différente des animaux en règle générale, mon corps avait tendance à évacuer les sédatifs très rapidement. Tournant les yeux vers lui, je le vois flouté de mon œil encore valide, un téléphone à la main. Tendant l’oreille, je finis par soupirer. Je vais devoir lui faciliter la tâche…Me couchant littéralement sur le côté, je prie pour que la lame reste bien tranquillement en place alors que mes os se mettent à craquer encore et encore. Un grondement de douleur vient résonner dans ma gorge alors que mes membres humains réapparaissent, mes os se brisant pour reprendre forme humaine. Transformation douloureuse, je tente néanmoins de faire ça le plus rapidement possible.

« Putain… » Arrivais-je à articuler alors que je me retrouvais à terre, nu comme un nouveau-né, couvert de sang, un bout de lame encore figé dans ma peau. « C’est bon comme ça ? » Dis-je en laissant retomber ma tête sur le sol, tremblant comme une feuille, la respiration difficile. « Enlèves-moi ça putain…la guérison peut pas s’enclencher… » Murmurais-je alors que son sédatif fait toujours effet, me laissant dans le vague complet. J’ai l’impression de crever de froid, en plus, si jamais je choppe un rhume ça risque de me tuer ! Ouai, chez nous, une bête maladie peut avoir notre peau.

     

Jack empilait les verres sur le comptoir chaque jour, il n’était ni médecin, ni véto. Le gamin avait juste eu la chance de tomber sur un ancien militaire ayant assez d’expérience sur le terrain pour lui retirer cette lame, bien enfouie. Le barman n’était pas forcément dans de bonnes conditions pour extraire l’objet contondant, mais il avait déjà vu bien pire et compliqué que ça. L'autre problème étant qu’il devait s’appliquer sur un demi-humain. L’opéré dans cette forme animale était loin d’être une tâche facile et Jack espérait qu’Adsila le comprenne… Pour sa survie.

Le gamin était déposé sur un lit de camp du refuge, les plaies étaient légion, mais la plupart s’étaient déjà vu être soigné. L’homme barbu s’activait pour ne pas que l’amarok pourrisse sur place et puis Jack était le seul à pouvoir agir assez rapidement, pour peut-être lui sauver la vie. Ses doigts se baladaient sur le pelage bien abimé d’Adsila, sa souffrance semblait s’accroitre de seconde en seconde. Le visage du gallois se crispait et ce dernier saisissait une nouvelle fois l’aiguille et juste avant de se décider à lui administrer une bonne dose de cheval, le gamin finissait par se transformer. Des cris de douleur, encore et encore… S’intensifiant pour exprimer tout le mal être et l’appel à l’aide du louveteau. Jack pris une grande inspiration, piqua l’amarok avec l’aiguille et entreprit sérieusement son travail. Tiens bon. Se disait-il. Adsila n’en avait plus pour longtemps à vivre avec cette affreuse douleur, puisque le barman était en train d’y remédier.

Plus un bruit provenant de l’amarok, la dose avait certainement fait son effet. La totalité des blessures les plus minimes disparaissaient à vu d’œil. Soulagé de voir cela, Jack constatait à quel point le garçon avait été courageux. Le gallois pouvait encore se demander pourquoi et comment Adsila avait pu avoir de telles blessures, mais il passa à autre chose, se concentrant sur son objectif principal. Son pouce et son index droit venaient pénétrer la chair du demi-loup blessé. Le sang en profitait pour couler et tâcher une bonne partie du sommier sur lequel était allongé la victime. Trifouillant la côte d’Adsila, Jack constatait avec inquiétude que la plaie s’était élargie suite à la transformation et que l’objet métallique s’était faufilé à travers des organes. Relevant légèrement la peau du gamin, le barbu attrapait finalement cette foutue lame.  L’objet revêtit d’hémoglobine se retirait du corps d’Adsila et Jack enchainait les soins pour cesser les saignements. Désinfecter, soigner, recoudre et l’homme plaça une couverture sur Adsila pour que son corps puisse se réchauffer et ainsi, guérir avec plus de facilité.

Assis sur le lit d’à côté, l’ex-militaire retirait ses gants recouverts de sang. Un soupire, un regard vide et Jack se redressait pour aller nettoyer ses mains devenues moites. La situation avait été compliquée, voire incertaine à ses yeux, mais l’amarok avait l’air d’avoir bien supporté l’opération finale. Un nouveau soupire de soulagement s’extirpait du museau de l’humain et ce dernier repris sa place non loin de son patient. « Salut, gamin. » Un sourire satisfait s’affichait sur le visage du grand blond. Adsila avait enfin fini par se réveiller.

     

La douleur est pesante, oppressante, à ne pas en douter. J’ai le cœur qui pompe, j’ai l’impression que mon organe vital va exploser alors que je tente de reprendre forme humaine pour aider l’homme qui, malheureusement pour moi, allait devoir m’aider. Dire que je n’ai pas confiance en la race humaine serait un mensonge, je ne sais juste jamais à quoi m’attendre avec eux. Les Amarok sont des êtres solitaires, qui vivent en meute et avec les leurs, je ne fais pas exception à la règle, que du contraire. Mon cas est encore bien différent…J’ai grandis entre des murs, surprotégé par ma mère, sans cesse entouré de béta pour me protéger. Certes, je sais me battre, mais les conséquences sont là et bien visibles alors que je pose un regard méfiant à Jack. Je ne sais pas à quoi m’attendre de sa part, néanmoins, suite à une autre injection, je me sens partir. Mes paupières deviennent lourdes, bine trop lourdes. Je suis épuisé, littéralement. La douleur, l’agression, le fait de me traîner jusqu’ici pour tenter de trouver de l’aide. Je suis peut-être une créature surnaturelle, néanmoins, je ne suis pas un surhomme pour autant…D’ailleurs, beaucoup me considèrerait comme faible, ma carrure pas très carrée faisant preuve des faux semblants. Ma tête se pose sur le matelas et je soupire, essayant de luter encore quelques instants pour rester éveiller. La dernière chose dont je me souviens, c’est Jack qui m’observe, après, c’est le néant alors que je sombrais dans l’inconscience.

Je n’ai pas conscience de ce qu’il se passe, ni du temps que je reste à, immobile alors que l’humain tente de m’enlever ce fragment qui n’a rien à foutre en moi. Je reste dans le noir, sans rêve, sans cauchemars, juste le noir et dans un sens, ce n’est pas plus mal. Lorsque je recommence à immerger, je peux sentir la douleur de mes muscles, de ce corps rafistoler avec les moyens du bord. Les odeurs viennent directement me percuter, du moins, les plus proches. Le sang notamment, il y en a eu un paquet je peux m’en rendre compte. Ensuite, l’odeur de l’humain non loin de moi et enfin, sa voix qui vient résonner à mes oreilles. Clignant plusieurs fois des yeux, je tente de retrouver une vue normale alors que la lumière agresse mes iris. Je prends un certain temps avant de répondre, avant de réaliser où je suis et de me rappeler pourquoi j’ai ma tronche allongée sur un matelas. Heureusement, rapidement, je me souviens de la scène et ma main vient tâter le pensement collé contre ma peau pour empêcher une quelconque infection. Ma peau tire et je peux rapidement comprendre que j’ai des points de sutures. « J’suis pas mort…ça veut dire que t’as réussi ? » Dis-je en grognant légèrement, tournant la tête vers l’homme assis non loin de moi. Oui, d’accord, j’aurais pu également le saluer, mais encore une fois je ne suis pas doué avec les rapports humains. Tentant de me redresser légèrement, je grogne un peu alors que la douleur s’insinue dans mes veines.

« J’suis…désolé, je savais pas où aller… » Murmurais-je en abandonnant l’idée de me redresser pour l’instant, poussant un long soupire désespéré. Je déteste être en position de faiblesse. Si jamais je subissais une attaque de suite, je ne pourrais clairement pas en sortir vivant, incapable de me défendre pour l’heure. Heureusement, je ne suis pas en danger, du moins, je n’en ai pas l’impression. Reposant mon regard sur mon aîné, je laisse mes yeux se poser dans les siens. « C’était vraiment moche ou juste un peu moche ? »