Guns n' roses

Mal au crâne. Le brun passe rapidement une dextre à l’arrière de sa caboche et grimace. Cette salope l’a vraiment pas loupé. Mais un sourire rêveur s’étale sur sa gueule cabossée alors qu’il ouvre la porte pour tituber à l’intérieur. Un sourire qui s’efface bien vite. Et si elle n’était pas là ? Et si … Non, impossible. Il a vu son regard lorsqu’il l’avait plantée comme une veuve épeurée. Elle est là, c’est obligé. Elle doit être là, sinon Mads lui ferait sérieusement payer.

« - … Lysan …, qu’il commence, la voix éraillée. Lysandre !

Le sion se cogne dans une table basse et gronde. A tâtons, ses dextres cherchent maladroitement l’interrupteur et ses pupilles se dilatent sous la lumière artificielle. Fait chier. Prunelles plissées et mains levée, le connard ambulant avale une nouvelle gorgée d’alcool avant de tituber vers le fauteuil du grand salon. Tout de noir chic, et absolument n'a été décoré par ses soins. L'ancien propriétaire s'était ... Volatilisé. Pouf, a plus.

- Lysandre …

Il a mal partout. Saloperies de pourritures. Saloperies d’Anglais ! Ils n’étaient pas assez et le sioniste ne parvient pas à comprendre comment une telle connerie a pu arriver. Mads fout sa tête en arrière et fixe le plafond. Pour un bled paumé et limite mal famée, on peut dire que son appartement détonne. Y s’en fout, c’est le Vatican qui paie. Un rire goguenard secoue ses épaules alors qu’il lève ses mirettes vers le plafond. Il la voit enfin, juste en face d’elle. Il renifle, pose sa bouteille et lui fait signe d’approcher. Surtout, ne pas oublier son texte. Elle l’a totalement zappé tout l'épisode de ... sa vie entière. Il doit en jouer.

Bordel, il arrive toujours pas à le croire !
Lysandre, amnésique. Et tout ça à cause de sa propre connerie.

- Hé … Tu peux aller me chercher le nécessaire à soins dans la boite à pharma’ ?

Un doigt est tendu vers la dite salle de bain et Mads sent ses prunelles ourler dans leurs orbites. Il cligne des yeux, se colle une baffe et marmonne d’une voix faussement affable :

- Dans le carton derrière la porte … J’ai toujours pas défais toutes mes affaires. Depuis que t’es partie, j’avais pas trop la tête à ça … »

Oh, ça, c’est loin d’être un mensonge. C’est une vérité légèrement modifiée. Il n’avait pas la tête à tout défaire parce qu’il était trop occupé à la traquer un animal sauvage.

Son petit animal sauvage rien qu'à lui.
Oh qu'est-ce qu'il allait aimer la faire souffrir.

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C’était déroutant. Lysandre ne savait même plus combien de temps elle avait passé à chercher l’adresse, à essayer d’ouvrir la foutue porte d’entrée sous le regard d’un mec louche devant le hall de l’habitation. Elle avait sursauté quand il avait bougé. A peine, juste pour porter une clope à son bec. Mais cela avait forcé la jeune femme à se précipiter à l’intérieur et à foncer droit vers l’appartement. Qu’est-ce qu’elle faisait déjà ? Sérieux… qu’est-ce qu’elle faisait. La peur suant sur son front, lui bouffant les tripes, il fallait dire qu’elle n’était pas certaine d’elle-même. De qui elle était, et encore moins de ce type chez qui pourtant elle filait se cloitrer. Encore moins après les longues minutes d’observation silencieuse dans la piaule qui soi-disant, était la sienne. C’était les paroles du type, de ce Mads. Le prénom il le lui avait donné dans les catacombes, mais il transpirait toujours d’un quelque chose qu’elle n’arrivait pas encore à s’exprimer. Oui, ce Mads, elle le connaissait. Elle le sentait dans son ventre, comme une menace sonnante et trébuchante. Mais aussi comme une sensation puissante et interdite... Le clivage la rendait parfaitement incapable de comprendre ce qu’il se passait dans ses émotions, aussi l’amnésique avait tenté de chercher des éléments dans la chambre, qui pourraient éveiller sa mémoire. Sans succès. La ligne plate d’un électrocardiogramme… Des heures à se torturer l’esprit, à chercher, à fouiner. A tenter de calmer la peur panique et cette solitude qui venait l’assaillir entre deux spasmes d’angoisse. Puis des heures après, la porte claqua, son prénom s’éleva dans les airs. Une autre vie habitait l’appartement qui n’était pas le sien et voila qu’elle refusait de s’en aller de la chambre…

Mais il l’appela encore, et la jeune femme essuya les séquelles de ses larmes, s’armant de courage les sourcils froncés pour se rendre où il était. Il y eut un moment de flottement, pendant lequel Lysandre eut l’occasion de l’observer à nouveau avant qu’il ne remarque sa présence. Bordel, c’était là, sur le bout de sa langue… de sa mémoire. Elle se sentait proche de s’en rappeler mais rien à faire, la digue retenait encore tout un flot de souvenir implacablement scellés derrière les murs. Un sursaut quand il s’adressa à elle, et la rouquine partait au pif dans la direction opposée de celle qu’il indiquait. La conne !

Chier, c'est par là…

Elle bifurqua alors vers la salle de bain, le type était blessé. Et cents questions la bousculaient sans relâche. Sur lui, sur elle, sur ce qui l’avait amené à la connaitre, à se faire mal, à se retrouver dans les catacombes. Et elle avec. Mais puisque Lysandre était désormais une coquille vide, elle trouva le moyen de souffler pour se calmer. Faire preuve de patience. Patience… Elle aurait probablement vite des réponses.

Carton carton… derrière la porte. Okay…

A croire que sa perte de mémoire risquait aussi d’être immédiate ! Après s’être emparée de la trousse de secours, elle revint vers Mads non sans marcher sur la pointe des pieds. C’était fou, cette méfiance. Cette gêne qui lui portait au cœur. Elle tenta de rejeter cela, observant l’homme de loin, lui tournant autour sans réellement savoir quoi faire, repérant sa blessure et les séquelles de bagarre. Elle posa la trousse sur ses genoux à lui… avant de tilter : ouais, fallait peut-être qu’elle l’aide, hein ? Il n’allait pas se soigner la tête seul. Alors elle reprit la trousse en levant les yeux au ciel devant sa stupidité pas très beaucoup latente, farfouilla dedans mais ferma les yeux en se pinçant le nez. Retenir un juron, puis se concentrer. Ce n’était pas compliqué… suffisait de laisser aller les réflexes et l’instinct. Toujours sans un mot, elle imbiba une compresse d’un produit désinfectant, pour la poser sur la plaie au crâne. Marrant… le sang, la blessure ne la faisait pas tourner de l’œil… La panique n’était pas relative à cela. Pas du tout…

Comment c’est arrivé ?

Elle pressait doucement sur la compresse, l’autre main sur le front de Mads sans savoir si son geste était vraiment le bon. Quant à le regarder dans les yeux… pas possible. Elle flippait, c’était viscéral. Mais vu la situation, c’était probablement normal. La curiosité l’emporta portant avant même qu’il ne puisse répondre… et elle enchaina immédiatement avec une voix chancelante :

Je suis blessée aussi… à la tête. Pourquoi ?

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La fatigue le clou sur place. Mais il a besoin de tenir et d’étudier les réactions de Lysandre. C’est comme une injection d’adrénaline dans ses veinules. Le cul collé au siège, il avise la rouquine qui semble imploser. Ses orphelines brillent dans le noir et il imagine une volute de fumer s’évader de ses esgourdes. Le sourire est difficilement retenu. Mads hausse un sourcil, inspire longuement et serre les dents. Il doit s’en tenir à son personnage et à rien d’autre. Il est juste Mads. Le gars qui l’héberge et la guide. Ah ! Concrètement, c’était la vérité. Avant. Il y a une éternité. Le sioniste hausse un sourcil en voyant la rousse marmonner toute seule jusqu’à la salle bain. Son dextre claque contre la bouteille de verre qu’il tient toujours à la pogne et il renifle, non sans fixer l’horloge. Il est tard. Ou tôt, selon les points de vu. Mads tourne alors la tête vers la « gamine » qui revient vers lui et lui jette presque la trousse de secours sur les guibolles.

« - Euh …

Mads n’a pas les mots. En plus d’être amnésique, elle est devenue débile ? Le temps que l’idée remonte, la traitresse ambulante réalise sa bourde et s’empresse de récupérer la trousse pour en extraire du gaz et de l’alcool. En un raclement de gorge, Mads essuie rapidement le bout de son nez et fixe le mur en face de lui. Il ne s’attendait pas à la question qui suit.

Enfin, si, mais pas aussi vite.

- J’me suis cogné.

Comment elle s’est fait ça ?

- Tu t’es cognée.

Logique, Monique.

Ah, l’affabilité. Il oublie toujours comment ça marche. Le chevalier se râcle la gorge avant de reprendre d’un ton moins abrupt :

- On m’a attaqué et toi … toi t’as eu un petit accident. D’où ta perte de mémoire.

L’alcool qui toucha son crâne le fit aussitôt grimacer et retenir un juron.

- Ecoute, le prend pas mal … Mais j’suis vraiment crevé. La nuit a pas été facile et j’ai vraiment mal à la tête … On en parlera demain, ok ?

Il lui faut surtout le temps de trouver un plan et des idées homogènes. Tout est allé beaucoup trop vite pour que Mads puisse étudier toutes les options. Certes, elle est venue. Mais l’ancienne sioniste peut très bien avoir envie de repartir s’il lui sert une histoire minable. Il sait – il est même certain- que Lydandre ne reconnaît absolument rien ici, sauf lui. Et c’est tout à fait normal. Le sauvage a tout bonnement volé les clefs à une Harpie friquée qu’il a buté quelques semaines plus tôt. Il n’y a plus aucune trace de son existence et il ignore encore comment gérer l’aspect administratif. Mais ça viendra plus tard.

- Tu peux dormir dans mon lit si tu veux, je prendrai le canapé. Il faut que je réinstalle ton lit. J’ai utilisé la pièce pour mettre mes cartons. »

Ca, c’était pas faux.

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La peur au ventre restait accrochée là comme une vieille amie. Lysandre avait l’impression de bien la connaître, d’y être habituée mais elle lui donnait la nausée. Elle battait jusque dans son cœur et ses tempes, brouillait les quelques maigres informations qui pouvaient pulser jusqu’à son cerveau vide d’informations et de souvenirs. Un certain désespoir l’avait assailli en début de soirée, lorsqu’elle avait pris conscience de sa mémoire plus que défaillante. Là c’était autre chose. Une sueur froide, un tremblement d’échine. Son corps réagissait sans qu’elle n’en comprenne le sens mais elle n’avait guère le choix que d’encaisser l’effroi qui la secouait. Lysandre ne pouvait savoir, se remémorer. Aussi ce qu’elle ressentait était tronqué… probablement. Hein ? Il n’y avait que Mads pour l’aider. Il était désormais son pilier. Elle frissonna à cette pensée, puis elle secoua la tête pour observer la gaz pleine de sang et la tamponner encore sur la blessure. Cognée… Elle fronça les sourcils à nouveau mais ne dit rien. Sa conscience s’éveillait, à lui clamer qu’il mentait, qu’il essayait du moins d’omettre des éléments. Pourquoi ne voulait-il rien lui dire ?  

Lysandre l’écouta cependant parler, alors qu’il essayait de lui faire passer un message et ses paroles aux catacombes lui revinrent. Il avait eu l’air gêné en prononçant ses mots. Son cœur s’affola. Avec le recul et hormis cette immonde violence froide qu’il avait signifié au début de leur conversation, il lui avait donné l’impression d’être une fille faites d’erreurs. J’ai pas rêvé, tu viens de me supplier de t’aider ? … T’as du culot … Même pour une amnésique. Qu’est ce qu’elle avait bien pu faire pour mériter une réplique aussi cinglante que celle-ci ? Elle s’en mordit la lèvre, sentant déjà une certaine culpabilité peser sur sa conscience, et des myriades de questions s’agglutiner silencieusement derrière ses lèvres. Elle aurait voulu dégorger tout cela sans attendre, mais resta encore muette puisqu’il lui déclara vouloir se reposer et parler le lendemain. Puisque le mutisme semblait si bien convenir à Lysandre, elle resta alors cloitrer dans cet état avant de reculer d’un pas, déposant la compresse dans la main de Mads. Puis elle resta quelques secondes à le considérer, avant de déclarer seulement :

Je vais dans l’autre chambre.

S’il avait besoin de dormir après une telle blessure, alors autant qu’il le fasse dans son lit. De plus, dormir sur un matelas à même le sol ne semblait pas effrayer la jeune femme le moins du monde. Elle recula alors encore et encore, comme si elle craignait de tourner le dos à l’homme. Non, en vérité, elle était terrifiée à l’idée de ne plus l’avoir dans son champ de vision. De ne plus le voir, de le perdre… Le courage pourtant retrouvé, elle avait fini par le lâcher du regard pour filer le pas léger vers cette chambre où elle était restée des heures à se demander pourquoi elle n’avait aucune affinité avec, si elle avait été la sienne. D’un seul coup, l’endroit semblait vide et froid. Presque hostile. Recroquevillée dans un coin de la pièce à même le sol, la chaleur d’un corps lui manquait cruellement. Il lui semblait que dans le nébuleux de son esprit, quelques réminiscences la hantaient. Se blottir contre un corps chaud, amical. Ne pas rester seule, dormir avec quelqu’un. Avec … lui ? La bouffée de chaleur dont elle se souvenait pouvait indiquer que oui. Mais bordel, pourquoi autant de contradiction dans son ressentit ?! Lysandre ferma les yeux aussi forts qu’elle le pouvait … dormir, non c’était impossible. Il lui manquait ce quelque chose qui pourrait la rassurer et l’apaiser du même coup. Si bien qu’avant l’aube, la rouquine avait cédé à la solitude et à la peur pour se glisser dans le lit de Mads et l’observer dormir en laissant tourner en boucle les questions dans son esprit.

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Mads doit bien se l’avouer, il n’a pas d’autres idées. Il est tout bonnement épuisé. L’aube est plus proche que le crépuscule et le sioniste est vidée de toute son énergie. C’est à peine s’il a le courage de grimacer lorsque la main tremblante de Lysandre vient soigner sa plaie. Il est usé, le chevalier. Son épée n’est plus très émoussée et il lui faut une bonne nuit pour l’affuter à nouveau. (Et c’est pas une comparaison dégueulasse à son pénis.) Le brun renifle une fois, deux fois et évite le regard de la rouquine. Pas par honte. Pas par lâcheté. Mais par dépit. La fatigue lui a jamais bien collé aux pompes. Le brun lève une pogne en l’air pour lui faire signe de faire comme bon lui semble, à la gosse. Si dormir à même le sol lui convient … Il est pas mère Thérèsa. Faudrait pas pousser. Pourtant, lorsqu’elle a rejoint sa chambre, le Sion n’a toujours pas décollé de son fauteuil. Il cogite à toute vitesse, cherche une solution, une échappatoire logique. Il faut qu’il joue sur la paranoïa de son ancienne élève. Oui … c’est ça ! Le brun se redresse alors enfin, délaissant les produits antiseptiques sur le canapé en se promettant de tout ranger le lendemain.



Deux heures. Deux. Putain. D’heures. Il tourne en rond, baille aux corneilles, compte les moutons et psalmodie quelques paroles religieuses. Un foutu toc débile qu’Alessio lui collé dans le crâne. Ca le bouffe jusqu’à la carne. Et quand Morphée trouve enfin deux petites minutes à lui consacrer, le Mads s’évanouit dans un sommeil embrouillé de cauchemars sans queues ni têtes. Alessio le fouette sans vergogne. Mais Alessio porte une perruque rousse et piaille d’une voix de crécelle. Et tout ça, avant de lui faire un bon gros câlin sortit de nulle part. Le torturé écarquille ses myosotis hallucinés avant de découvrir la tapisserie de « sa » chambre vivement éclairée par un soleil qui sonne bien dans les midis. C’était quoi, ça ? Quelque chose lui chatouille les naseaux. Le brun louche légèrement pour y découvrir plusieurs filets flamboyants. Quoi ? Les filets roux sont attachés à une tête pleine de tâches de rousseur. Ladite bouille, elle, est collée à un corps qui le colle beaucoup trop. Un koala roux nain à la guibolle bousillée est accroché à lui. Dans son lit. Lysandre est dans son lit.

Pourquoi ?

Mads gronde. Il n’est pas très heureux de la découverte ni du culot de la mioche. Il a beau savoir qu’elle frappée d’amnésie, il n’aime pas du tout l’idée de l’avoir eu dans son lit pendant … Combien de temps ? Depuis quand est-elle là ? Assez pour l’avoir entendu ? Merde, merde, merde. Le sauvage la repousse brusquement sans se soucier de l'avoir décollé du lit avant de bondir sur ses pieds, mains devant lui. Putain. PUTAIN.

« - PUTAIN ! Qu'est-ce que tu fous là ?! »

Il espère bien qu’elle est réveillée maintenant, parce qu’elle a intérêt à dégager son cul sa piaule. Sans attendre, le brun tourne les talons et contourne le lit pour aller se réfugier dans la salle de bain. Elle l’a forcément entendu hurler en dormant.

Il hurle toujours.