PARLES-MOI SEULEMENT QUAND CA T’ARRANGE, JE TE REPONDRAIS SEULEMENT QUAND JE M’ENNUIE.

Un mois s’était écoulé depuis le nouvel an. Trente et un jours depuis le désastre de cette fête où le Ourpyr avait préféré ne pas aller quitte à laisser Zohra sortir avec l’un de ses foutus prétendants. A la place, Hélios était allé au Cabaret où il avait organisé une soirée spéciale pour quelques clients fortunés et il avait fini dans les draps de l’une d’elle sans avoir connaissance du désastre qui s’était déroulé à quelques rues de là. Ce ne fut que le lendemain en découvrant son téléphone qu’il avait compris et que l’homme s’était inquiété pour son épouse. Cette femme semblait avoir un don incroyable pour se foutre dans les emmerdes. Il avait tenté de se persuader que l’inquiétude qui lui nouait l’estomac était due à cette peur de se retrouver sans maîtresse officielle. Mais, il était loin d’être idiot, le Ourpyr. Il sentait ses sentiments changer envers cette demoiselle qui savait si bien le faire sortir de ses gonds. Elle était peut-être juste la personne qui lui fallait pour égailler sa vie bien triste depuis toujours.

Hélios avait retourné ciel et terre pour avoir des nouvelles de cette indienne qui semblait prendre un plaisir malsain à le malmener. Jamais il ne s’était montré si agressif avec ses contacts pour obtenir ce qu’il désirait mais rapidement, il eut ce qu’il cherchait. La belle semblait être présente au travail avant de disparaitre à nouveau pour une durée indéterminée. Elle devait être blessée. C’était ce que pensait le Ourpyr. Sinon, elle ne manquerait pas leur dîner qui était devenu un rituel que ni lui ni elle ne semblait vouloir oublier. L’appartement était devenu si vide depuis son absence que mis à part pour l’heure de manger, comme pour être là si elle finissait par revenir à l’improviste même puant le parfum masculin, les vêtements en vrac et son sourire narquois aux lèvres. Alors, il avait fini par tenter de la contacter sur son téléphone, priant pour obtenir une réponse même si ce n’était que pour l’envoyer bouler. Il s’en moquait tellement, il voulait juste s’assurer qu’elle allait bien. Qu’elle ne l’avait pas oublié, quelque part. Qu’elle ne le laisse pas tomber, la seule personne qu’il avait eu envie d’aider à ce jour.

Alors, après s’être assuré qu’elle était encore vivante, encore elle-même, il était rentré chez eux pour s’occuper. Après avoir rédigé son carnet pendant quelques temps, le gérant avait fini par se rendre à son atelier pour s’occuper d’un projet concernant l’anniversaire de leur rencontre. Ce serait pour leurs cinq ans de mariage. Mais, ne voulant et n’assumant pas ce côté sentimental, Hélios se contentait de travailler dans son coin à sculpter Shiva, dieu hindou de la protection. Et au vue de la soirée de nouvel an, la belle semblait avoir cruellement besoin de ce genre de totem même si elle n’y croyait peut-être pas. Etrangement, cela ne lui était pas spécialement venu à l’idée que son épouse n’était pas croyante. Après quatre longues heures à sculpter et transpirer, le Ourpyr avait décidé de s’arrêter là. Il avait planqué la statuette dans un coin de son atelier et était partit prendre une douche dans sa chambre. Puis, il s’était changé pour mettre un costume habituel, s’était coiffé et lisait maintenant le journal de la bourse dans la cuisine, le repas étant en train d’être cuit par leur domestique qui ne semblait pas s’inquiéter plus que ça de l’absence de sa maîtresse. Quand allait-elle enfin se décider à revenir, franchement ? Comptait-elle encore jouer longtemps avec ses nerfs ? Il n’en pouvait plus.

PARLES-MOI SEULEMENT QUAND CA T’ARRANGE, JE TE REPONDRAIS SEULEMENT QUAND JE M’ENNUIE.

Khalan était épuisant… à vivre au quotidien et même si la créature en avait l’habitude, il y avait trop d’énergie dans cette maison entre le père et sa foutue gamine pour y survivre plus d’une semaine. Manque de pot, la Harpie n’avait pas eu le choix… D’y survivre ! A vrai dire elle avait déjà échappé à un écrasement par éboulis intempestif et accessoirement à une Phoenix en éveille. Sans compter les Sionistes qui avaient prit d’assaut SA fête, comme les gros connards briseurs d’ambiance qu’ils étaient TOUS ! Le massacre, les morts… elle en avait eu vent, par le Sorcier chez qui Valerian l’avait déposé à sa demande. Mine de rien, elle était une rescapée. Elle avait eu de la chance. Si seulement il n’y avait pas eu la goudou aux cheveux courts pour jouer les Topiqueurs et lui faire bouffer de la caillasse alors qu’elle s’était bien marrée juste avant, à éventrer la couillonne aux boyaux désormais flambants neufs. Elle avait perdu une vie, Zozo avait faillit lâcher la seule qu’elle avait à dispo. Cerise sur le couscous tajine, elle y avait laissé un œil. Vraiment, ça pour le coup c’était un karma à chier. Et puis, pour elle cela ne repoussait pas, et elle en avait salement bavé. Ne plus voir que d’un œil, le déséquilibre, la douleur incommensurable aussi bien physique que morale à l’idée de ne peut être plus devoir vivre qu’avec un bandeau dégueulasse sans aucun style, sans élégance. Heureusement, il n’avait pas fallu longtemps à Khalan pour consulter d’autres Sorciers, et trouver la solution au problème caustique de Zohra. Son œil n’était pas totalement à jeter, il avait réussi à le soigner, à lui rendre un aspect potable et à y implanter un artefact magique imbibé de ses pouvoirs à lui. Un ensorcellement, qui permit une guérison quasi-intégral malgré une douleur bien présente encore et un voile sur sa vision fragile. Physiquement, ne restait que cette constellation dorée dans cet œil à moitié artificiel, un gros hématome contre sa pommette et au-dessus de l’arcade sourcilière. Puis cette convalescence que Khalan la suppliait encore de ne pas rompre.

Mais il y en avait un deuxième, qui lui cassait les noix force 10. Son cher et pas-tendre époux, qui l’avait « harcelé » de SMS dans la journée pour qu’elle assiste à son diner foireux. Il était chiant, avec cette obsession de manger à 19h avec les poules, Zohra en reine de toutes (les poules. Auto-clash de personnage). Pourtant il y avait chez la Harpie un respect envers le Oupyr qu’elle n’arrivait pas à trahir, même pas défiance. Après tout, elle l’avait laissé sans aucunes nouvelles depuis des semaines. Et son inquiétude avait fait papillonner quelques créatures à ailes dans son ventre encore tordu par la crainte de sortir, les Sionistes grouillant dans les rues de Londres. Mais la Harpie était solide, comme son réseau de contrebande aussitôt consolidé par ses soins et malgré sa convalescence. Alors, elle pouvait bien accorder un peu de temps à Hélios, non ? Surtout qu’elle mourrait d’envie de l’affronter un peu. Ce petit jeu lui manquait, finalement. Et si elle devait être honnête, la Harpie ne pourrait nier l’impatience qui grandissait entre ses côtes à l’idée qu’il ne découvre sa blessure… et la Mort à qui elle s’était dérobée sans qu’elle ne le lui dise. Se mettrait-il en colère ? Hurlerait-il à pleins poumons où se contenterait-il de bouder comme un enfant ? L’allégresse redoubla, pendant que l’infantile petite garce ouvrait la porte du domicile conjugal. Elle fit claquer ses talons dans l’entrée, jeta son sac sur un buffet et son manteau en travers d’un fauteuil un peu plus loin. Puis l’odeur de la nourriture et les bruits dans la cuisine lui indiquèrent la présence de quelques personnes là-bas. Zohra avança suffisamment pour distinguer la silhouette d’Hélios, avant de faire mine de prendre le courrier. Elle avança alors vers lui avec lenteur, en jetant les lettres une à une sur son chemin.

Facture, facture, facture… pub. Facture. C’est pour ça que tu voulais que je revienne ? Tu aurais pu appeler Carol-ine, qu’il fasse la comptabilité. J’ai horreur de voir le courrier s’accumuler.

La dernière lettre jetée à terre, Zohra se dirigea vers le frigo avec un air désinvolte et presque raide, y attrapant une bouteille d’eau minérale avant de toiser la nourriture que préparait la domestique.

Ça a l’air vraiment immonde. Encore un plat Anglais, je suppose ?

Même pas foutu de lui préparer quelque chose de chez elle, pour accueillir son retour et l’appâter à table comme l’aurait fait quelqu’un de soucieux de la voir s’y tenir un moment. A croire que finalement, Hélios n’avait pas tellement envie que cela, de diner en sa compagnie. Elle n’avait pas menti dans son texto. A voir la tronche de la mangeaille, elle n’avait vraiment pas faim.

PARLES-MOI SEULEMENT QUAND CA T’ARRANGE, JE TE REPONDRAIS SEULEMENT QUAND JE M’ENNUIE.

Malgré tout, malgré l’animosité que le Ourpyr portait aux Harpies, Hélios ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour la seule qui avait réellement su attirer son attention. Zohra. Il ne connaissait pas son véritable prénom et il s’en moquait, son passé était là où elle l’avait laissée tout comme le sien, bien caché au fond de son cœur meurtrit et couché sur le papier d’un journal planqué dans sa chambre. Parfois, il se disait qu’il ferait mieux de le brûler. Il en avait eu envie, souvent, mais n’avait jamais pu s’y résoudre, incapable de tourner réellement la page de cette ancienne vie qui lui avait, au final, permit de devenir celui qu’il était. Ses yeux se baladaient sur le journal qu’il tenait, assis sur sa chaise à guetter l’heure sur l’horloge de la cuisine. Elle allait être en retard, comme toujours. Et quelque part, ça le rassurait que certaines choses ne changent pas.

Mais, lorsqu’il entendit la porte d’entrée s’ouvrir à la volée et les talons de son épouse claquer sur le sol avec tout juste une minute d’avance comme pour lui signifier qu’elle était toujours d’attaque, qu’elle ne cesserait jamais de l’emmerder et cela lui arracha un sourire malicieux alors qu’il levait à peine les yeux pour la regarder, s’assurant en un clin d’œil qu’elle était entière en apparence du moins. Le Ourpyr nota son iris étrange mais il n’arrivait pas à dire réellement pourquoi. Il eut un léger rire en l’entendant râler à peine arrivée. Oui, elle allait plutôt bien. L’homme posa son journal sur la table de la cuisine avant de se lever et de s’approcher de la Harpie, attrapant le menton de celle-ci pour mieux observer ce détail qui l’intriguait au plus haut point en plus de l’inquiéter. « Que s’est-il passé ? Tu arrives encore à voir ? Tu as pris assez de repos ? »

Puis, rapidement, il relâcha son visage avant de faire demi-tour et de se diriger vers la salle à manger qui était dressée et prête à recevoir les propriétaires. « J’ai appelé pour la comptabilité, ça sera fait demain. Et ce soir, nous mangeons un plat indien. Ce que tu sens est pour les domestiques. » Il eut un sourire malicieux alors qu’il tirait la chaise pour la jeune femme, la laissant s’installer sur le bois avant de légèrement pousser le meuble pour qu’elle soit bien calée contre la table puis il s’assit à côté d’elle, servant un verre de vin à chacun. Les plats arrivèrent rapidement, les employés déposant la nourriture dans leurs assiettes. Le Ourpyr sentit les aliments. Dire que même ça, ça allait avoir le goût de terre, insipide et presque immangeable. Mais, il y tenait à ses dîners, le jeune homme. C’était un moyen de s’assurer que son épouse allait bien, qu’elle était toujours là. Au départ, c’était surtout pour s’assurer des termes du contrat mais, les choses avaient changés. Bien changés. Il eut un léger soupire avant de reprendre la parole, attrapant sa fourchette. « La cuisinière m’a dit qu’il s’agissait de Poulet Tandoori ainsi que du Dhal, j’espère que tu aimes. Bon appétit. »

Il eut un nouveau sourire avant de commencer à manger tranquillement, les questions lui brulaient les lèvres mais il ne disait rien, laissant son épouse déjeuner en paix avant de lui faire subir un véritable interrogatoire. Et cet œil où se reflétait une véritable galaxie. Il l’avait bien noté tout à l’heure. Les choses avaient donc été si grave que cela. Ses informateurs ne lui avaient pas mentis. Il sentait qu’il avait failli être veuf et avec les sionistes qui sortaient partout, tout cela devenait bien risqué pour eux. Ne devraient-ils pas aller loin de Londres ? Au diable le cabaret, la contrebande, tout ça ne valait pas le coup d’y laisser la vie. Mais, Hélios connaissait déjà la réponse de Zohra, elle voudrait rester. C’était une survivante, comme lui. Ils allaient restés et se battre. Parce qu’ils n’avaient faits que ça toute leur vie. Et que ça continuerait encore longtemps. « Ca te plait ? »