Chapitre 1
L'an 1997 n'en était qu'à son début. Le soleil brillait en Grèce. Le peuple se pavanait dans les rues de Corinthe, et c'est dans un hôpital de la ville que vint l'aube de ta vie. Enfin sortie du ventre de ta mère dont le travail avait été rude, tu poussas ton premier cri, bougea pour la première fois aux yeux de tous. Tu ouvris tes beaux yeux et observa le visage de tes géniteurs. Tes pleurs raisonnaient dans la salle, tandis que tes poumons ressentaient pour la première fois l'air s'imprégner en eux. Tu étais en vie, en bonne santé, prête à rejoindre ta maison, ton chez-toi.
Ta naissance fut le plus beau jour de la vie de ta mère, nommée Agatha, et de ton père, nommé Jake. C'est lors d'un séjour en Grèce que Jake rencontra ta mère, et de leur union tu vis le jour. Tu étais leur premier enfant, leur premier joyau, et c'est de tes origines grecques que te furent attribués ces deux prénoms tant aimés de tes géniteurs : Calypso Hermione. Tu étais chérie par Agatha et Jake. Tu étais un enfant sage, affectueux, qui riait beaucoup et qui passais énormément de temps dans leurs bras. Tout était beau. Tout était parfait, davantage lorsque ton petit frère vit le jour 10 ans plus tard. Tu étais devenue une petite fille à cette âge là, et déjà, tu avais cet instinct protecteur et bienveillant envers le plus jeune. Tu travaillais bien à l'école. Tu avais cette tranquillité que la turbulence de ton entourage en classe n'arrivait pas à perturber. Tu avais d'ailleurs eu du mal à te faire une place parmi eux. Tu étais craintive et réservée. Mais tu as su te faire des amis malgré cela. Tu étais une enfant heureuse.
Chapitre 2
Chaque famille a des secrets, et même si ton enfance fut heureuse, tout devint plus sombre lorsque tu grandis. Vers l'âge de 12 ans, tes parents montraient une certaine inquiétude vis-à-vis d'une chose dont tu n'arrivais pas à mettre la main dessus. Tu cherchais, tu réfléchissais et malgré tes maigres connaissances sur les problèmes de la vie, tu faisais de ton mieux pour apaiser les maux de ta famille. Tu souhaitais les voir sourire, les voir rire, les voir s'amuser et profiter de tout. Mais un soir, alors que tu n'arrivais pas à dormir, plongée dans tes pensées passionnantes concernant la mythologie grecque que tu adorais, la voix de ta mère retentit dans le salon à l'étage d'en bas.
« Ils m'ont retrouvés, Jake. Je ne suis plus en sécurité, ni toi, ni les enfants ! Je ne sais pas comment on va faire... Ta famille ne doit pas être en danger aussi, il serait fou de leur rendre visite... Ces salauds... Comment ont-ils fait pour savoir à quel endroit exact je me suis retrouvé ? » disait-elle d'une voix peu rassurée. Agatha était mêlée entre colère et tristesse, incompréhension aussi. Et toi, qui t'étais réfugiée dans les escaliers pour écouter, tu affichais un air craintif et apeuré.
« Maman... Qu'est ce qu'il y a ? » avais-tu dis d'une voix intriguée et peureuse.
Tes parents se tournèrent vivement vers toi, et leur bouche s'entrouvrit sous la surprise. Jake vint te prendre dans ses bras. Son air était grave, inquiet mais déterminé à protéger sa famille. Son regard aussi profond que le tiens s'égara sur Agatha, qui soupira.
« Chérie, j'ai... J'ai des choses à te dire. Des choses très importantes, qui vont changer le cours de ta vie. » avoua t-elle, attristée de devoir parler des sionistes, de ce qu'elle était et de ce que tu étais aussi : une chimère. Elle t'en parla un bon moment, en détail, t'expliquant qu'elle était une créature qui était née en Grèce, à Athènes, mais qui avait ensuite été faire ses études à Londres et qui s'était retrouvée chassée par d'horribles hommes. Maline, rusée, forte, Agatha avait réussi à leur filer entre les doigts à chaque fois, jusqu'au point de leur faire croire qu'elle était morte. Aujourd'hui cependant, il semblait que la vérité ait refait surface et que ta mère et donc, ses enfants, son mari, étaient en danger de mort. Ton cœur rata un battement à ces aveux, et ton corps encore frêle se colla davantage contre ton père, qui te rassura en pressant un peu ses bras autour de toi. Tu ne savais pas quoi dire. Tu ne savais pas quoi faire. Après tout, tu n'étais encore qu'une enfant, à qui le paradis d'abord présenté se transformait désormais en enfer.
Chapitre 3
Vous deviez partir. Les sionistes allaient finir par retrouver ta mère et vous tuer tous un par un par la suite. Il fallait plier bagages, et le lendemain soir, tout était prêt. La voiture était chargée de deux petites valises où le strict minimum avait été mis. De ton regard attentif, tu observais la devanture de ta demeure qui ne serait bientôt plus que souvenirs, et ta mère en sortit, les clés en main. La nuit était tombée, les volets des maisons vous entourant étaient clos. Il était temps de dire adieu à ce lieu où toute ton enfance fut construite, et bientôt, le moteur démarra, et la voiture avança. Tu n'avais aucune idée de l'endroit où vous alliez. De ce que tu avais compris, vous ne pouviez même pas vous réfugier chez les parents de Jake. Vous, les Jones, étiez désormais livrés à vous-mêmes.
La route était pour le moment tranquille les jours suivant votre départ de Corinthe. Ton père et ta mère s'alternaient au volant. La fatigue se lisaient sur leur visage, mais aucun des deux ne souhaitait s'arrêter, sauf en cas d'urgence et de besoin. Toi, tu te contentais de les scruter quelques instants, silencieuse et inquiète, avant de porter ton attention sur ton petit-frère que tu essayais d'occuper comme tu le pouvais. C'était fatigant pour toi. Tu avais envie de liberté. Tu voulais courire, dévaler les rues de la ville grecque qui t'avait vu naître et vivre une vie paisible. Mais ce n'était pas possible. Tu étais prisonnière d'un sort qui s'était jeté sur toi avant même ta naissance. Et si tu aurais pu te détester toi-même pour cela, tu étais plutôt éblouie par les capacités dont tu pouvais faire preuve à la différence des simples humains. Dès que tu avais appris ce que tu étais, tu avais découvert ton apparence animale. Des pattes aux griffes acérées. Un regard et une silhouette féline. Des petits crocs tout aussi aiguisés que tes griffes. Tu étais une petite prédatrice, et nul doute que tu souhaitais déjà t'en servir contre ces hommes monstrueux décrits par ta mère. Toi aussi, tu voulais protéger ta famille. En aurais-tu seulement le temps ?
Chapitre 4
Le temps était précieux. Chaque mètre fait de plus semblait vous emmener vers la sécurité. Et pourtant, rien ne put empêcher la venue des sionistes jusqu'à vous. Alors que la voiture était à court d'essence et que ton père s'affairait à en remettre, ta mère, ton frère et toi l'attendiez avec impatience et crainte. Chaque seconde paraissait une éternité. Chaque seconde vous rapprochait du danger. Et puis, finalement, celui-ci vint, se présentant sous la forme d'un homme baraqué, avec un long manteau noir sur ses épaules, et dont la carrure imposante se mit à côté de Jake. De tes yeux bruns, tu observais le spécimen avec peur. Intimidée, tu t'écarta de la portière contre laquelle tu étais, et te rapprocha de ton frère.
« Calypso. Ne bouge surtout pas. » prononça ta mère avant qu'elle ne sorte de la voiture, l'air sérieux et protecteur. Te raclant la gorge, ton regard s'égara sur l'homme mystérieux. Ton cœur battait fort à l'intérieur de ta poitrine. Ta respiration était un peu saccadée par la peur. Puis, d'un coup, tu sursauta. La tête de ton père s'écrasa contre la vitre de la portière contre laquelle tu t'étais installée, et du sang s'extirpa bien vite du front de Jake. Mais pire encore, du sang dévalait de sa gorge. Horrifiée par ce que tu venais de voir, c'est lorsque le corps de ton géniteur tomba au sol que tu découvris le couteau dans la main du malfaiteur. Agatha poussa un cri de douleur et de terreur. Un cri qui te hante encore aujourd'hui. Tu compris sans mal ce jour-là que Jake n'était plus. Ton père était mort. Serrant ton petit-frère dans tes bras, tu plongea sa tête contre ton torse et ferma les yeux. Des larmes coulaient le long de tes joues. Tu pleurais bruyamment, et tu entendais l'affront entre ta mère et le sioniste. Elle pestait, tentait de lui asséner coup de poings, de le mordre. Elle ne se transformait pas, et finalement, ce fut l'homme qui eut le dessus. Lui attrapant les poignets d'une main, il lui donna un coup de coude dans les côtes, assez fort pour que ta mère s'évanouisse.
Un sourire mauvais se dessina sur les lèvres du salopard, qui grimpa dans la voiture. A ce moment, tes yeux se rouvrirent et tu réussis à voir à travers tes larmes Agatha inconsciente et l'homme au volant.
« Si tu tentes de faire quoique ce soit, petite, je tue ta connasse de mère immédiatement, ainsi que ta larve de petit-frère. Est-ce bien clair ? » demanda t-il d'une voix sérieuse, avant de ricaner lorsqu'il te vit hocher la tête doucement. Tu tremblais. Tu te demandais ce qui allait vous arriver.
« En route. » Chapitre 5
Des jours et des jours de voyage, et voilà que tu étais arrivée à Paris. Le chemin avait été long. Si long. Le meurtrier de ton père n'avait pas voulu vous faire descendre de la voiture sauf en cas de besoin urgent. Alors, avec ta mère et ton petit-frère, vous étiez restés la plupart du temps assis sur les sièges devenus inconfortables, à regarder les différents paysages défiler sous vos yeux. Et ce soir, vous aviez enfin été libérés de ce trajet interminable. De tes yeux bruns, tu observais la ville animée où le climat était bien différent de celui de Grèce. Ton visage affichait de la crainte, de la peur, et bientôt, l'un des bras rassurant d'Agatha vint t'étreindre contre elle tandis que de son autre bras, elle tenait ton frère.
« Suivez-moi. Le premier qui tente de s'enfuir, je lui fais la peau. » dit l'homme d'une voix menaçante, avant d'empoigner l'épaule de ta mère et de vous embarquer dans un chapiteau. Il y avait du bruit. Beaucoup de bruit. Une foule immense se dirigeait à l'entrée de la bâtisse, et le sioniste vous emmena dans les coulisses par une autre entrée. Des cages. Des animaux grondant ou dormant. Tu en voyais beaucoup tourner en rond dans leur misérable cage, et au fur et à mesure que tu avançais, ton cœur se mit à battre à vive allure.
Tu entendis ta mère grogner, et tenter de résister. Une cage vous attendait tous les trois, et bientôt, sous la violence de l'homme, vous vous retrouvâtes derrière les barreaux. S'accoudant sur le rebord de la cage, le meurtrier vous observa avec amusement et impatience. Agatha se jeta sur les barreaux refermant ses mains autour de ceux-ci.
« Qu'est ce que vous compter faire ?! Relâchez nous, ou au moins, relâchez mes enfants ! » dit-elle d'une voix agressive. L'homme secoua la tête de gauche à droite, avant d'attraper férocement les cheveux de ta génitrice et de cogner son front contre le métal.
« C'est simple. Vous n'êtes que des bêtes. Vous êtes répugnantes, et il est de notre devoir de vous faire regretter d'avoir cru un seul instant que vous pourriez avoir une place parmi nous. Je vais vous faire revenir à votre état sauvage, comme tous ces animaux qui vous entourent. Vous serez des bêtes de cirque, et quand nous en déciderons, vous serez envoyé au trépas. Faites de beaux rêves. Demain risque d'être un peu plus dur. » annonça t-il avant de violemment relâcher Agatha, dont les yeux exorbités démontraient toute l'horreur qui l'abritait. Toi, tu avais tout entendu, et tu avais si peur, que tu te recroquevillas sur toi-même. Mais ta peur te donnait également l'envie de te sortir de là et d'aider ta famille. Il fallait que tu réfléchisses à un moyen sûr de pouvoir vous en tirer. Tu n'avais que 12 ans. C'était compliqué de trouver des solutions sans qu'il n'y ait une faille quelque part. Et réfléchir fut davantage compliqué lorsque la douleur vint frapper ta peau et ton esprit.
Battue. Insultée. Violentée. Fouettée. Autant sous ta forme humaine qu'animale, les traitements étaient les mêmes. Un collier de métal entourait ton cou, te retenait prisonnière de ce cirque qui n'était qu'une façade pour cacher la misère qu'ils faisaient vivre à tous ces animaux, tous chimères. On tentait de te faire devenir ce que tu n'étais pas. Une bête sans esprit, un être avec un cœur mécanique. Tu subissais la fureur des sionistes, tout autant que la subissaient ta mère et surtout, ton petit-frère, qui ne tarda pas à mourir sous les coups. Il n'avait qu'un peu plus de deux ans, et déjà, la vie lui avait été volée. Son petit corps était tombé, inerte, sur le sol souillé de sang et de saleté. C'était affreux, terrifiant, traumatisant. Ta mère avait alors poussé un cri insupportable et toi, tu t'étais mise à pleurer toutes les larmes de ton corps. Tu avais appuyé la paume de tes mains contre tes oreilles pour ne plus entendre ce gémissement de douleur d'Agatha. Tes paupières s'étaient fermées, ton cœur battait si fort et te faisait si mal. Puis, finalement, tu perdis connaissance.
Chapitre 6
La seule raison qui avait poussé ta mère à ne pas se rebeller tout de suite contre les sionistes lorsque son fils était tombé, c'était toi. Tu étais son dernier enfant. Le dernier être vivant qui représentait son union avec Jake, son statut de mère et cette famille qu'elle avait fondé. Tu étais son joyau, sa raison de vivre. Elle voulait te sortir de là, t'offrir un avenir qu'elle n'avait pas pu donner à son fils. La mort de ton frère était gravée dans ta mémoire et dans celle d'Agatha. Jamais vous n'oublieriez ce funeste jour, et la vengeance serait cruelle, car vous réfléchissiez à une manière de vous échapper et d'avoir l'occasion de tuer tous ces hommes à l'origine de votre malheur. Les jours passaient sous les coups. Les mois s'écoulaient sous les insultes. Une année défila sous l'affreuse éducation à laquelle ils tentaient de vous soumettre. Tu avais désormais 13 ans. Tu avais pris connaissance rapidement de l'animal qui te caractérisait. Les spectateurs aimaient ton pelage qu'ils arrivaient parfois à voir au loin, mais les cicatrices dues aux coups, elles, leur restaient invisibles. Ta mère avait une forme féline aussi, et à deux, crocs et griffes assemblés, vous étiez fortes. Assez fortes pour tenter quelque chose malgré la fatigue et les conditions de vie. Mais votre instinct de survie était présent, plus fort que tout, et l'amour qui t'unissait à ta mère allait vous faire faire des prouesses.
Le soir du 24 Avril avait pointé le bout de son nez. Voilà maintenant un bon moment que tu t'affairais à un plan d'attaque et de fuite avec ta génitrice. Tu étais prête à agir malgré ta peur de perdre Agatha. Tu étais prête à vous sortir de là, et alors que tu étais sous ta forme humaine, plongeant ta tête dans le cou de ta mère pour recevoir plus de sa chaleur, celle-ci te parla à voix basse, sans que personne d'autre ne puisse vous entendre.
« Avant notre tentative, je dois te dire une chose, Calypso. » commença t-elle, sa voix tremblant sous les sanglots naissants.
« Si je ne survis pas à cela, je veux que tu ailles à Londres. J'ai une amie là-bas, qui pourra prendre soin de toi. Tu peux lui faire entièrement confiance. Elle ne te trahira jamais, et te protégera comme son propre enfant. » rajouta t-elle alors que des larmes coulaient le long de ses joues, avant de te tendre un papier froissé par le temps, que tu attrapas lentement et avec hésitation, avant de le mettre dans la poche de ce qui ressemblait à un pantalon usé et en fin de vie. Ton cœur se serra à cette vision que tu ne supportais pas, et tu enlaças ta mère. Ton regard, furieux et bestial, était fixé sur le sioniste qui avait réduit ta famille en cendres.
« Je ne te laisserais pas mourir, maman. Nous resterons ensembles, et rejoindrons ton amie ensembles. » dis-tu en tentant de rassurer ta mère, et toi-même. Tu avais si peur de la perdre. Elle était ta raison de vivre à toi aussi. Il fallait que tu la sauves, que tu la sortes de cet enfer, et c'était décidé. Ce soir, vous alliez vous battre.
23h. C'était l'heure de vous donner votre portion de nourriture, et un homme accompagné d'une gamelle vint à vous. Il tendit son bras à travers la cage, et sans attendre, ta mère se jeta dessus pour lui bloquer le membre et le retenir prisonnier. Elle se mit sous sa forme animale, et ses crocs vinrent se planter dans la chair de son bras. Un cri de douleur raisonna dans les coulisses, et votre bourreau principal montra le bout de son nez.
« Cob-Cobalt, aidez moi ! » cria le malheureux en tentant de retirer son bras. La mine sévère, Cobalt s'approcha vivement de la cage, fusil en main, et s'apprêta à tirer lorsque tu entras en action à ton tour, bondissant sur le fusil pour l'attraper avant que la balle ne parte. La mine froncée, tu poussas un grognement et de tes mains, poussais l'arme vers toi pour avoir l'avantage. Cobalt avait énormément de force, mais tu tenais à survivre et résistas, avant d'écraser la main du malfaiteur contre le barreau en pressant ton dos contre ses phalanges. Un grognement de douleur s'extirpa des lèvres du sioniste, qui s'empressa d'ouvrir la porte de votre cage. Tu avais tenté de lui tirer dessus, mais il n'y avait pas de cartouche en plus. Tu pouvais tout de même attaquer, et sans attendre, tu assénas un coup de pommeau dans la tête de Cobalt qui s'effondra au sol, lui, tellement confiant qu'il avait pensé pouvoir te manipuler sans mal. Agatha en profita pour en finir avec l'autre, mais le bruit que faisaient les autres chimères autour de vous, excitées elles aussi à l'idée de pouvoir se libérer de leurs chaînes, attirèrent l'attention du reste des sionistes présents au chapiteau.
Leurs pas raisonnaient, dangereux, et bientôt, ils furent face à vous. Alertée, tu commenças à fuir aux côtés de ta mère. Courant pour ta vie, pour ta liberté, tu courais le plus vite. Tu regardais droit devant toi, l'air apeuré, effrayé à l'idée de ne pas y arriver. Cobalt, revenant à lui, se releva et, appuyé contre la cage désormais vide, cria à ses congénères de tirer sur tout le monde, de tuer tout le monde. Le bruit des balles retentit alors. Toutes les chimères ayant espéré s'enfuir comme vous tombèrent, inertes dans leur cage, et les coups vous visèrent ensuite. T'abaissant à chaque coup de feu que tu entendais, ton cœur battait si vite que tu te sentais au bord de l'évanouissement. Une autre balle fut lancée, et elle atteint le ventre d'Agatha. Un gémissement de douleur s'extirpa de ses lèvres, et vos regards se rencontrèrent.
« Cours ! » t'ordonnas t-elle avec autorité, continuant sa course aussi. Les insultes déferlaient derrière vous, et tu les entendais vous poursuivre. Vous étiez sortis du cirque, mais il fallait désormais monter dans un bus ou n'importe quel autre véhicule pour fuir d'ici. Ton regard balayait ton environnement. Tu étais complètement perdue, et c'est ta mère qui te guida. Elle connaissait la capitale, et t'emmena vers un taxi à l'arrêt. Tu montas dedans, aidant Agatha à grimper aussi (elle avait repris sa forme humaine), et ta génitrice ordonna à l'homme de vous conduire à l'aéroport le plus proche.
Chapitre 7
Un aéroport ? Ta mère avait besoin de soins ! Sur la route, tu lui exprimais tes inquiétudes, ton désir de l'emmener d'abord à l'hôpital. Le chauffeur était d'accord avec toi, mais Agatha était têtue et ordonnait de nouveau à celui-ci de continuer en direction de l'aéroport.
« Ils savent que je suis blessée, Calypso. Ils vont chercher dans tous les hôpitaux autour pour nous retrouver. On ne peut pas y aller. » te disait-elle. Sa voix raisonnait sérieuse, mais la souffrance s'entendait également, et se voyait sur son visage fatigué. Le sang continuait de s'échapper de sa blessure, et tu faisais de ton mieux pour arrêter le saignement. Le chauffeur t'avait donné du sopalin qu'il avait jusque-là gardé dans son taxi au cas où. Jamais pourtant il n'aurait cru voir un blessé dans sa voiture. Tu le remerciais, mais ton inquiétude grandissait au fur et à mesure des minutes. Tu appuyais sur la blessure, tandis que ta mère avait fermé les yeux, se reposant sur toi. Vous étiez dans un piteux état, mais le conducteur n'osa jamais vous demander ce qui était arrivé. Il se contentait de conduire, vous jetant des regards inquiets à quelques occasions.
Puis, alors que tu écoutais les battements de cœur de ta génitrice, tu finis par ne plus les entendre.
« Maman ? » demandas-tu une fois. Puis deux. Puis trois. Tu la secouas un peu, mais elle ne répondait pas. Son corps devenait si froid, et son pouls ne battait plus. Ton cœur se brisa à cet instant. Agatha avait succombé à sa blessure. Jake s'était fait égorger. Et ton petit-frère n'avait pas eu le temps de grandir, que les coups avaient fini par le consumer. Que te restait-il ? Rien du tout. Tu commenças à pleurer, suppliant le chauffeur de s'arrêter. C'est ce qu'il fit, mais avant cela, il s'était dirigé vers sa petite maison. Il s'était stoppé ensuite, et sans rien te dire, s'était emparé de toi et de ta mère, pour monter son corps chez lui et toi avec. Jamais il ne te demanda ce que tu avais vécu, ce que vous aviez vécu. Il resta silencieux, sous le choc, pensif, tourmenté. Il t'offrit à manger, à boire, un lit, et des vêtements propres. Tu pus te laver, sentir l'eau chaude couler sur ton corps dont le dos était orné d'innombrables cicatrices. Mais rien de tout cela ne te fit du bien. Bien sûr, tu lui étais redevable et le remercias avant de partir. Mais tu étais vide, et plus que jamais, tu étais effrayée du monde. On t'avait tout pris. Absolument tout, et tu restas là, propre, vêtue de nouveaux habits, à contempler le corps inerte de ta mère. Tu pleurais, inconsolable, inconsolée, et tu décidas d'envelopper d'un drap Agatha avant de l'enterrer dans un bois que tu rencontras après avoir quitté le chauffeur.
Dernier Chapitre
Londres. C'est là que tu arrivas finalement. Depuis ton départ de paris, tu avais sans cesse observé ce bout de papier, qui te donnait l'adresse de cette amie dont t'avait parlé Agatha. Fatiguée, brisée, tu avais eu du mal à la trouver et puis, après des recherches toujours plus épuisantes, tu arrivas devant la bâtisse. Tu toquas trois fois, et l'on t'ouvrit la porte. Une femme aux cheveux bruns t'aperçut, te regarda avec curiosité, et les larmes lui montèrent aux yeux lorsqu'elle reconnut les traits de ta mère transparaître sur ton visage de jeune fille. Elle n'avait pas besoin de te poser la question pour savoir que Agatha n'était plus, ni même son mari, ni même son dernier enfant. Il n'y avait plus que toi, et tu te jetas dans ses bras, laissant libre court à tes sentiments si douloureux. Cette femme devint ta seconde figure maternelle. Tu grandis avec elle, et avec tous les autres enfants du refuge, mais c'était plus compliqué de venir vers eux maintenant que tu étais devenue si craintive, si réservée, si discrète et si agressive lorsque tu te sentais approchée de trop près. Tu ne repris pas les études, de peur d'être prise au piège à l'école, et tu continuas de t'instruire chaque jour davantage près de ta seconde mère. Tu t'épris du piano, et lorsque tu fus assez grande pour devenir plus responsable et aider le refuge, tu cherchas un travail. A ton comportement, au fait que tu n'avais pas continué de vraies études et que tu avais selon eux un profil peu commode, tu ne fus pas accepté durant longtemps, jusqu'à ce que tu postules dans un restaurant chic. Le patron avait eu quelques divergences avec les études et t'avait accepté telle que tu étais. Tu devins donc serveuse, et tenta encore et encore de t'habituer à cette nouvelle vie, à ce nouveau travail, à tout.