Nouvelle année, nouveaux espoirs. Murmures échangés avec quelques passants, rumeurs qui cours, qui s’évadent dans les airs pour présager une fête digne de ce nom. Pas question pour toi de rater ça, de ne pas t’y rendre et ce, même si tu dois lui échapper à elle. Eternelle surprotectrice, tu étouffes, tu n’en peux plus de cette présence continuelle qui t’attache, qui t’enchaîne à celle qui t’a mis au monde. Tu dois voler de tes propres ailes, prendre les rênes de ton existence, de ton destin, quoi qu’il en coute. Alors oui, la dispute a fait rage, tu as plaidé ta cause avec bravoure sans jamais lâcher prise, refusant de plier l’échine devant elle. Pas cette fois que ton instinct te murmurait joyeusement, non, pas cette fois. Tu as gagné, bien que dans un sens, tu ne sois pas vainqueur dans cette histoire. Elle t’accompagnera, comme toujours…Collé à tes baskets, te suivant dans ton ombre, déjà, tu cherches un moyen de t’évader, de briser tes chaînes invisibles. Tu refuses de passer la soirée en sa compagnie, de te retenir parce qu’elle n’est pas bien loin de toi. Oui, tu refuses de sentir son regard glacial le long de ton échine, scrutant la moindre menace potentielle qui pourrait apparaitre. Mais ce soir, c’est jour de fête. Ce soir, les créatures se réunissent pour une soirée de paix où tu devras retenir ta rage, ta colère constante. Ce soir, tu veux t’amuser mais tu ne dois en aucun cas oublier qui tu es, ce que tu es. Futur alpha de ta meute, étoile montante, tu n’as pas droit au faux pas, en ayant déjà bien assez fait en vingt-et-un an. Déjà, cette idée t’empoisonne, te ruine ta soirée, toi qui ne demande qu’à t’élever et t’amuser sans penser à quoi que ce soit d’autre.

Cœur en perdition, en vrac, tu finis par t’apprêter sans un mot. Jeans assez banal mais élégant, une chemise noire qui te met certainement plus en valeur que tu ne le pense. Ton regard se pose sur cette glace devant toi, alors qu’un œil reste dans l’obscurité, brutalisé par cette rencontre douloureuse avec cette sorcière qui gardera à jamais les séquelles de votre rencontre…comme toi. Il est l’heure de bouger et déjà, tu es partagé entre deux émotions. Nerveux, anxieux, euphorique. Tu vas sortir de ta coquille pour voyager dans le monde de la nuit aux musiques explosives. Les minutes s’écoulent, comme toujours, tu ne parles pas beaucoup. Plusieurs béta t’accompagnent, en plus de ta mère, comme protéger par tes gardes du corps personnel…Bien trop de personnes à duper, bien trop de monde à dégager. Mais tu y arriveras…Tu t’en fais la promesse. Passage emprunter, tunnels sombres, parfois étroits, tu suis les lanternes qui donnent un air mystérieux, presque fantomatique aux lieux. Tu adores ça, car déjà, ton ouïe capte la musique qui fait vibrer les parois rocheuses. La foule commence à se former, tu sens les tiens se resserrer autour de toi, étau humain, tu as envie de mordre dans le lot, d’hurler de te laisser un minimum respirer, mais tu t’abstiens, éblouis par l’apparence des lieux et les odeurs qui s’en dégagent. Nourritures, parfums, sueurs, senteurs diverses que tu arrives à capter malgré ton odorat rabaissé. Ton palpitant s’accélère comme un tambour de guère, un sourire délicieux venant étirer tes lippes. Oui, tu la sens, cette chaleur venir t’enivrer de l’intérieur, caresser tes entrailles. Il est temps de te bouger et là, sans prévenir, tu fends la foule, semant les tiens qui, au final, ne seront jamais bien loin. Amis ici et là que tu salues joyeusement, regards parfois sombres que tu lances, que tu reçois, mais la guerre ne sera pas déclarée ce soir.

Ton estomac, il crie famine, ton organisme souhaite se rassasier et toi, gourmand comme tu es, tu files vers le buffet…sauf que voilà, ton corps se fige brusquement alors qu’une silhouette s’acharne à voler de la nourriture pour s’éclipser aussi vite dans un tunnel. Boiteuse, chevelure de feux, tu reconnaitrais cette silhouette parmi milles autres. Grognement féroce qui fait vibrer tes cordes vocales, tu te répètes que ce soir, la paix règne, que ce soir, ta colère devra s’éteindre. Tu aurais pu tourner les talons, t’en aller, laisser cette satanée sorcière crever dans son coin…Pourtant, tu t’élances à sa suite – sans manquer de chopper de quoi grignoter au passage -. Odeur furtive mais nauséabonde, comme si la crasse était ancrée dans sa chaire…Elle n’est pas difficile à retrouver, cachée dans les catacombes, tel un rat mort. « Tu pues à des kilomètres et encore, mon odorat a été bousillé lors de notre dernière entre vue. » Dis-tu sans sourire, sans réagir, te contentant de manger sagement ce que tu avais pris avec toi. Appuyant ton épaule sur les parois froides, tu te retiens de ne pas lui sauter à la gorge, ayant promis de faire bonne figure…Mais comment faire pour te contrôler, alors que la bête en toi ne demande qu’à la bousiller davantage, qu’à se venger de ce qu’elle a oser te voler. Ne pas montrer tes faiblesses, rester impassible, l’éducation de ta génitrice revient hanter ta mémoire, t’aidant à immerger bien des choses. Et pourtant, en l’observant, cette autre étincelle commence à se propager. Elle a l’air mal, tellement mal. Ta douceur tente de venir te murmurer que si ta vie est bousiller, la sienne semble bien plus encore noircie avec les années.

 

   

Fêter le nouvel an ? Qu’est ce que c’était encore que cette histoire. Le Nouvel an qu’il avait dit, Arès. Pour sûr Lysandre ne s’était pas trompée et à force elle avait bien des fois imaginées ce que cela devait être, une fête de ce genre. N’importe quoi… quel intérêt ils avaient tous à vouloir célébrer le temps qui passait ainsi. Cela n’avait pas de sens… Mais elle avait pourtant haussé les épaules, alors que le Nephilim s’était emparé d’une tenue qui le rendait plus gauche et ridicule qu’à l’accoutumé. Elle l’avait jugé en silence, ne marquant son étonnement que par ses deux billes bleues qui n’avaient eu de cesse de se lever au ciel alors qu’il semblait blasé de devoir sortir. Bah qu’il ne sorte pas, et puis c’était tout. Pourquoi se contraindre à faire un truc qu’on voulait pas faire ? Fallait vraiment être un crétin pour ça. Fallait être Arès. Trop sympa… Une femme passa donc le chercher, et il avait disparut avec elle non sans la lapider d’indication et de précaution à prendre. Pas utiliser si, pas faire ça. Pas tenter de choper le chat du voisin pour en faire un festin. Pas éclater la télé parce qu’un con avec des dents pointues apparaissaient sue l’image. Pas laisser l’eau couler, ou foutre le feu à la gazinière. Cool.

Mais Lysandre n’avait pas envie de rester seule ce soir. Elle s’était habituée à la présence du grand Ange et finalement cela la dérangeait de devoir l’attendre sans savoir ce qu’il allait glander dans une fête qu’elle aimerait voir de ses yeux. Alors elle avait enfilé une veste qu’il lui avait acheté, et son éternel bonnet bleu péruvien troué pour tracer ses pas et le filer de loin comme elle avait l’habitude de le faire à chaque fois qu’il prétendait la laisser seule dans l’appartement. A peine avait elle fureté dans les catacombes que la musique avait fait vibrer tout son corps … et les centaines d’odeurs lui provoquèrent un haut-le-cœur. Mais qui pouvait se foutre autant de parfum sur le groin ? Surtout que mêlé à toutes les autres plus ou moins sympatoche, eurk… Dans la foule, elle n’eut pas la force de chercher Arès, et la frêle silhouette se contenta discrètement d’entrer et de sortir, non sans avoir pillé le buffet. Par trois fois, la perpétuelle affamée se fraya un chemin vers la nourriture, avant de fuir comme un mulot dans les couloirs vides des Catacombes pour déguster sa prise sans être emmerder. Mais dernière fois, Lysandre discerna des pas derrières elle… et sursauta, le cœur prit en échappe à l’idée de voir Mads apparaitre. Ce fut pourtant une surprise, malgré qu’il n’ait pas s’agit de son ancien maitre. Lysandre en resta muette, bien qu’elle lâchât déjà son petit four pour l’observer évoluer avec précaution. Le loup… l’Amarok qui l’avait attaqué était là, juste devant elle. Celui-là même qui l’avait condamné à l’infirmité puis à la mort par les Sionistes.

Pourtant il n’attaquait pas… étrange. Quand bien même sur ses gardes, elle tiqua à la remarque. Elle qui était propre ce soir, eut l’air de se renfrogner et discrètement, baissa le nez vers son but pour renifler. Finalement c’était l’odeur de la mort qui collait à ses vêtements ; Dans les catacombes, certaines créatures se livraient à une chasse aux Humains qui, même si elle en était redevenue une, savait facilement éviter. L’humidité de la cave aussi marquait sa peau, mais heureusement la crasse n’était pas d’elle pour cette fois.

C’est pas moi, c’est les morts…

Elle l’observait comme un chat sauvage, l’air serein mais prête à bondir à la moindre alerte de ses sens. Mais elle regardait aussi cet étrange garçon qui l’avait attaqué deux années auparavant. Son visage l’avait marqué, mémoire photographique oblige, même si elle avait plus eu à faire à sa trogne de loup.

Tu veux quoi … Finir le travail ? Tu sais y’en a d’autres sur le coup, prends pas cette peine. Tu devrais retourner faire la fête, c’est pas un endroit pour toi ici.

Que des répliques de films… après tout, Arès l’en gavait, et c’était le meilleur moyen pour qu’elle tente de parler avec plus de mots que dans : oui, non, peut-être, ta gueule.

     

Regard qui glisse sur elle comme un avertissement, comme une blessure à jamais ouverte. Paires d’yeux qui se stoppent au niveau de sa jambe alors qu’elle t’annonce que ce n’est pas elle qui pue mais bien les morts, comme si c’était une évidence, comme si tu étais incapable de le savoir. Ce qui est vrai, enfin, tu crois. L’odorat bafoué par cette ancienne bataille, arraché par ses pouvoirs alors que tu t’acharnais sur cette jambe à jamais porteuse de séquelles. Doucement, tu relèves les yeux vers elle, venant planter tes iris dans les siennes, comme un challenge que tu t’imposes. Ne pas l’attaquer, ne pas lui sauter à la gorge pour lui ouvrir la carotide et l’observer se vider de son sang. Douce délivrance que cela serait, oh oui, image jouissive qui s’impose à ta mémoire, alors que tu te souviens de ce sang acre et carmin glissant dans ta gorge. « Tu pues la mort. » Dis-tu sans jamais sourire, sans jamais faiblir. Tu te tiens là, contre cette paroi, mâchant paisiblement ce petit four que tu as volé au passage, bien qu’au fond, il te soit également destiné. Elle est maigre, elle semble en mauvais état et cette petite voix tente de te ramener à la réalité. Fautif, coupable, tu n’es qu’un monstre aux mâchoires brutales, aux instincts destructeurs. Elevé pour tuer, machine de guerre, futur dirigeant, tes remords doivent être étouffés. Elle est si jeune, mais tu l’es également. Vingt-et-un ans, rien de bien extraordinaire et pourtant… Ses mots résonnent, tu ne bronches pas, ramenant la nourriture à tes lèvres alors que tu te redresses, corpulent, imposant, élégant comparé à elle et sa chevelure de feux. Tête qui se penche sur le côté, tu souris légèrement en coin, miracle étonnant, sourire sarcastique et froid aux allures de faussetés.

« Crois-tu que je laisserais quiconque me mâcher le travail ? ça serait dommage tu ne trouves pas ? Après tout, j’aime finir ce que j’ai commencé, mais pour l’heure… » Tu hausses les épaules, enfantin, gamin, arrogant. Facette que tu t’es souvent imposé, presque désinvolte alors que la bête gronde, que le loup semble prêt à mordre autant que le félin est prêt à sortir les griffes. « …disons que je ne me sens pas d’humeur maussade, puis, déchirer mes habits serait cruellement stupide tu ne trouves pas ? Un petit four ? » Sourire mauvais, lueur dans ce regard qui t’es propre, tu tends un petit four vers elle. Clémence pourtant bien réelle, pour ce soir uniquement, tu ne sais pas trop pourquoi ni comment…mais c’est bien là. Tu te joues d’elle, de ce physique dévasté alors que le tiens n’a cessé d’évoluer, de rendre tes traits plus charmants. « Comment va ta jambe dis-moi ? » Méchanceté que voilà alors que quelque chose en toi te donne une claque violente, comme un avertissement qui te murmure : ne devient pas comme elle, tu l’as attaqué, tu es le fautif. Qu’importe, tu l’étouffes, tu noies cette brise de voix que tu ne veux pas entendre.

 

   

Cette réponse… finir ce qu’il avait commencé. Il avait commencé quoi au juste ? La rouquine tiqua, en le toisant d’un air de lui faire comprendre qu’il était complétement débile, et qu’elle ne comprenait sincèrement pas ce qu’il venait de raconter. Mais plus elle réfléchissait au sens de ses paroles, et plus elle se disait que peut être, elle l’avait trop amoché pour qu’il parle clairement. Pauvre loup. Bon, c’était lui qui l’avait attaqué. Se doutait-il de ce que cela avait eu comme conséquence pour elle ? Que plus les années passaient et plus Lysandre s’enfonçait dans une mouise improbable ? Bien sûr que non, mais s’était réciproque. Et pour le moment il ne semblait pas sur le qui-vive, et bien que Lysandre voulût y rester elle-même, elle laissa vite tomber. De toute manière avec Mads sur les talons, qu’importait d’être prudente… Et puis le loup partit dans un délire de déchirer ses vêtements, et qu’elle refusa le petit four avant de répondre sans comprendre le sens rhétorique de ses questions :

Oui se serait stupide, je crois.

Mais à quoi bon demander une confirmation ? Laissant tomber sa méfiance, dépitée de toute manière par sa situation actuelle en dehors des murs des catacombes, Lysandre posa son dos sur un mur de pierre et se laissa glisser tout en prenant garde à maintenir sa jambe droite pour ne pas en souffrir. Jusqu’à ce que son postérieur touche le sol et qu’elle cherche de la bouffe dans ses propres poches. Fort heureusement, elle manqua de repérer l’ironie et le cynisme dans les paroles de l’Amarok… elle n’était pas faite pour décrypter ces fluctuations délicates dans la communication des gens. Comme le second degré, même si Arès tentait parfois de lui en inculquer les bases. C’était chiant… et inutile en son sens. Alors encore une fois elle répondit comme si c’était une évidence, et que la question était posée sincèrement mais avec un peu de naïveté.

Bah pas terrible. Mais c’est vraiment pour ça que tu m’as pisté jusqu’ici ?

Elle haussa les épaules, tout en gobant un petit four et en cessant de mâcher l’espace de quelques secondes, restant attentive aux hurlements qui faisaient écho dans les catacombes. Si quelqu’un arrivait, elle filerait comme une souris dans un trou. Littéralement. En attendant, elle secoua sa chevelure pour se débarrasser des paillettes qu’on lui avait lancé, et repris d’un ton maussade.

Je connais même pas ton prénom… J’comprend pas ce que tu m’veux. Fais ce que tu veux et laisse-moi tranquille, ok ?

     

A nous voire ainsi, on pourrait croire que jamais rien ne c’est réellement passé. Douce illusion alors que nos corps sont encore marqués par cette attaque funeste et vibrante. Les remords devraient me prendre, me ronger, me tuer…Je m’y refuse, nous sommes différents, programmés pour ne pas nous apprécier. Deux années que j’ai tenté de la réduire en charpie, deux années qu’elle m’a brisé en mille morceaux. Et pourtant, nous sommes là, nous tenant l’un devant l’autre, comme une évidence. Destin réagit par l’insolence d’une cruauté implacable, elle est le reflet de ce que j’ai été, de ce que je suis, du comment j’ai été élevé. Victime de mon propre passé, je ne pensais qu’à faire mes preuves, ne voyant en elle qu’une assaillante, qu’une proie de plus. La méchanceté à l’état brute. Pas le temps pour les regrets, pas le temps pour les remords, je ne peux pas me le permettre. Je l’écoute, petite innocente qu’elle est, ne comprenant sûrement pas mon degré d’insolence, de provocation. Et pourtant, c’est ce qui me permet doucement de laisser les murmures reprendre. Elle semble brisée et bien plus encore, en miette, éparpillée dans ce monde où elle n’a plus sa place. Un peu comme moi, d’une façon différente et pourtant, ça semble se rapprocher de ce que je vis depuis ma naissance. Emprisonné entre des murs, violenté par ma propre génitrice, ma vie n’a rien d’un conte de fée malgré les apparences. Mon regard glisse sur elle, radar instinctif, j’analyse, j’aperçois, je regarde avec attention son état. Léger étirement des lippes alors qu’elle me demande si c’est pour sa jambe que je l’ai pisté… « L’idée m’a traversé, mais, disons que j’ai été pris d’une certaine curiosité. » Vérité ou mensonge ? Telle est la question, je me perds moi-même dans mes propres paroles, dans mes propos.

Elle s’appuie et se laisse glisser sur le mur, délivrant sa jambe qu’elle tente sûrement de soulager. Je la laisse faire, mes sens en alerte, mon corps tendu sans pour autant être complètement crispé. Question, paroles, je l’écoute de nouveau, penchant la tête sur le côté. « Mon prénom… » Il est vrai que les présentations n’ont pas été faites, mais à quoi bon ? A quoi bon murmurer une identité si ce n’est pas pour un but bien précis ? Et là, je remarque sa joue violacée…J’avance doucement, très lentement, n’optant pas pour une attitude de prédateur. Non, je suis moi, juste Adsila qui s’accroupi devant ce corps frêle et malmené. Doigts qui viennent frôler sa joue, attraper son menton avec une certaine retenue pour tourner son minois sur le côté avec curiosité. « Tu t’es fait des amis… » Murmurais-je plus pour moi que pour elle…Lâchant sa peau, je fini par dire simplement, revenant glisser mes yeux dans les siens. « Adsila et pour ton information, cette nuit-là, tu n’as pas été la seule à perdre quelque chose. » Dis-je une certaine amertume dans le timbre de ma voix, pourtant, sa combativité semble s’être éclipsée, envolée. Elle a baissé les bras là où je continue à me battre farouchement, là où je nage elle, elle coule… « T’étais plus farouche à l’époque. » Sourire qui s’efface, toujours en équilibre accroupi comme si mon corps ne réclamait pas meilleur position. Je pourrais aisément lui taillader la gorge, mais quel plaisir en aurais-je ? Elle n’est qu’une loque, qu’une âme qui vacille dangereusement vers une mort certaine.
 

   

Le cul sur la terre éparse, les vibrations de la musique dans le dos, Lysandre avait l’air sans doute particulièrement pitoyable ce soir. Fallait dire qu’elle n’avait rien d’une gamine de son âge. Elle en avait croisé certaine, au bar… à rire comme des truies le rouge aux lèvres et les cheveux brillants. C’était clair, rien n’était comparable. Mais les vies n’étaient pas les mêmes, les épreuves non plus. Et sa très récente croisade contre Mads laissait encore un goût amer et des douleurs plein l’épiderme. Elle passa d’ailleurs sa capuche sur sa tête pour protéger la blessure encore à vif à l’arrière de son crâne, celle qu’elle avait caché à Arès, qui lui, était trop préoccupé par une nana pour s’apercevoir de l’état de Lysandre. Il était sympa, mais c’était facile de lui mentir. Enfin, de ne pas lui dire tout, là était la différence. Elle avait laissé le type l’approcher. Jamais encore elle n’avait fait ça, baisser sa garde, résignée de toute manière. Vidée de ses forces et de sa volonté. Mais le geste ne fut pas violent, il fut au contraire très doux alors qu’il observait sa pommette encore colorée par le poing de Mads. Lysandre le toisa alors avec curiosité, les pupilles plantées dans les siennes pour tenter d’y déchiffrer quelque chose. L’impression d’être un animal sauvage dans ce monde d’humains ne la quittait pas. On l’avait tant malmené qu’à présent, un simple contact comme celui-là lui paraissait inédit et anormalement étonnant. Elle baissa les yeux, répondant toujours d’un ton lasse :

Des amis ? Non, j’ai pas d’ami. Et toi ? Tu as l’air aussi seul que moi.

C’était ce qu’elle semblait voir, la même solitude dans ce regard vide en fasse d’elle. Ne plus rien à perdre, sa vie très probablement condamnée, Lys’ semblait sereine pourtant et capable de s’exprimer légèrement plus que d’ordinaire. Et puis c’était marrant, de lui parler. La confrontation avait été puissante, deux ans plus tôt… au final il avait laissé une emprunte si forte qu’elle n’avait jamais pu l’oublier, qu’elle l’avait porté chaque jour dans la douleur et l’infirmité. Et c’était comme le connaitre, ou avoir vécu avec lui durant ce temps-là.

J’m’appelle Lysandre… Et j’étais une Sioniste. Maintenant c’est plus le cas, j’ai plus mes pouvoirs.

Par réflexe, elle avait baissé la voix… l’écho de ce mot dans les catacombes pourrait leur attirer des ennuis. Mais étrangement, elle eut un sursaut en prononçant ce mot. L’espace de quelques secondes elle en oublia la signification, forçant sur sa mémoire pour en comprendre le sens. Jusque quelques secondes égrainées dans le doute, avant qu’elle ne reprenne.

Et ils ont voulu me buter, à cause de ma jambe. Et toi les tiens, ils t’ont fait quoi ?

Il semblait avoir survécu lui aussi. Mais peut être que les Amarok n’étaient pas aussi sélectif que les Sionistes. Eux au moins, devait posséder la notion de « famille », et même si Lysandre n’était pas capable de le comprendre, qu’elle n’arrivait plus à se souvenir de sa vie et de son bonheur avant d’être kidnappée par le Vatican, elle jalousait profondément Adsilla qui devait en avoir une. De famille.

     

Petite fille souillée, abandonnée, maltraitée. Fleur fanée à jamais détruite par mes crocs aiguisés. Voilà ce qu’elle est devenue, ce qu’elle sera à jamais. Comme l’écho d’un passé que nous portons ensemble sur nos épaules, à jamais condamnés à nous souvenirs, à nous remémorer ce que nous avons perdus cette nuit-là. Elle est loin la combattante d’autrefois, celle qui s’était acharnée pour garder la vie sauve, pour ne pas sombrer entièrement dans un néant éternel. Ouai, elle est loin la gamine qui avait usée de ses pouvoirs sur le loup implacable que j’étais. La jeunesse, l’incontrôlable férocité qui s’était emparée de moi, je ne l’oublierais jamais. Pourtant, en ce jour, je m’approche calmement, attrapant son menton entre mes doigts pour toiser le violet de cette joue bien trop pâle. Douleur récente, un coup porter, je sais reconnaître les marques quand j’en vois une…Moi-même sujet aux excès de cette mère violente, guérissant néanmoins bien plus vite que la jeune femme. Elle baisse les yeux, le sol semble attirer ses iris comme un hamburger attirerait le regard d’un affamé. Je n’ai pas d’amis…Oui, là est une vérité fourbe et bien placée. Je soupire, finissant par poser mes fesses sur le sol avec une lourdeur excessive, loin d’être des plus élégants, mais je m’en fou. « Non, j’en ai pas non plus. » Chose véridicite. J’ai beaucoup de gardes du corps, de Beta aux services de ma mère, mais de véritables amis ? J’ai beau chercher, mon esprit n’en trouve pas et dans un sens, ça me fait défaillir.

Entouré mais bien seul, voilà la triste vérité. Son prénom fini par s’élever dans les airs, alors qu’elle m’annonce son ancienne nature. Odeur qui a changé, je l’avais clairement deviné. La nuit ou je l’ai attaquée, elle ne sentait pas ainsi, ses pouvoirs dégageant une odeur bien précise pour un Amarok comme moi. « Je l’avais deviné. » Dis-je simplement, enfournant mon dernier petit four, le mâchant calmement sans remarquer son sursaut. Elle m’intrigue, c’est évident, pourtant, je tente de ne rien laisser transparaître. Ouai, je préfère rester neutre, l’observer. Puis, que fais-je ici ? J’en sais rien, pourtant, j’suis bien là, assis sur ce sol froid à parler à celle qui a dans un sens, bousillé ma vie de loup. Je souris en coin à sa question. Ils ont voulu la buter, ils m’ont gardé enfermés. Heureusement, nous sommes une grande famille et je suis l’héritier de la meute, sinon, pas sûr que ma mère m’ait laissé en vie après ça. Mon sourire s’efface, mon regard dévie vers l’obscurité d’un tunnel. « Ils m’ont gardé enfermés comme un animal sauvage… » Mur aux barreau dorés, je finis par hausser les épaules. « Mais je pense pas avoir à me plaindre, vu comment tu vis…J’avais au moins de la bouffe et des vêtements propres, bien que ma mère s’est souvent amusée à me foutre une râclée pour la cause… » Violence à laquelle je me suis accoutumée, j’ai appris à souffrir entre ses griffes. « Non…en réalité…je sais pas qui est le plus à plaindre…je pense qu’on est a égalité d’une certaine façon… »

 

Pas d’amis, pas de soutient. Mais dans le monde dans lequel vivait Lysandre, c’était des artifices sur lesquels elle n’avait jamais compté. Au final, être isolée avait été sa meilleure chance de réussite. La preuve, il avait suffi qu’elle se lie avec un Nephilim pour que la chance tourne en sa défaveur. En aucun cas, Arès n’était à blâmer, mais c’était une leçon sur la vie peut être. Il n’y avait qu’en étant seule et loin des regards qu’elle aurait pu encore survivre quelques temps. Dommage… comme elle l’avait dit à Mads, elle avait presque réussi. Presque. Dépitée, Lysandre laissa le type s’installer sur le sol à l’instar d’elle-même. A quoi bon lutter, se méfier ou toiser comme elle en avait l’habitude ? Lysandre était venue ici l’esprit libre malgré la fatigue, persuadée de toute manière que sa mort imminente ne la priverait pas de quelques joies distinctes. La rouquine continuait de vivre malgré une attitude bien plus morose et moins combative. Jusqu’alors, elle avait été farouche… elle l’aurait été jusqu’à la mort à en croire la blessure de son crâne, auto-infligée pour échapper aux étranges sévices de Mads.

Son regard se posa pourtant cette fois sur Adsila qui semblait avoir beaucoup à dire. Vraiment cette situation était aussi étrange que naturelle. Comment pouvaient-ils converser ainsi alors qu’il avait été à l’origine de leurs deux maux. Car il ne fallait pas se voiler la face, il avait attaqué… c’était sa décision qui avait abimé leurs avenirs réciproques. Lysandre pourtant ne semblait pas lui en vouloir, elle était comme ça, cette étrange créature recluse. Les sentiments de regrets et d’animosité lui étaient inconnus, simplement parce que cela ne servait à rien. Se qui était fait, était fait… seules les conséquences devaient être affrontées. Ainsi ce qu’il disait la fit tiquer, bien qu’elle gardât le silence quelques instants avant de se tourner plus envers lui, l’épaule collée contre le mur de pierre.

Ta mère te frappe pour s’amuser ?

Elle semblait choquée… mais eut un mouvement de recul ensuite alors qu’elle semblait réfléchir à toute vitesse. Sa mère à elle, l’avait abandonné aux mains des Sionistes, elle ne l’avait pas cherché. A vrai dire elle ne comprenait pas le caractère quasi-sacrée des génitrices chez les humains, alors que tant d’entres elles semblaient lâches et violentes. Elle plongea son regard dans le sien, cherchant à comprendre le moindre de ses mots même si elle le savait, beaucoup de chose lui échappait. La question de l’égalité des destins la fit sourire, puis elle émit un rire triste alors qu’elle tripotait la poussière sur le sol.

Tu sais, j’suis qu’en sursis. Il est fort probable que je sois saignée d’ici quelques jours… Alors, j’sais pas si on est à égalité mais c’est pas important et j’m’en fous.

Elle soupira alors, et chercha ses mots une fois de plus. Cela faisait du bien de le dire... qu'elle allait mourir. Aussi pouvait-elle après cela parler des autres sans barrières.

J’sais pas ce que ça veut dire, qu’on se trouve comme ça aujourd’hui. Mais tu sais, tu d’vrais lui foutre une raclée aussi à ta mère. Pourquoi tu ne te bats pas contre elle ?

     

Sa question, elle me fit sourire en coin alors que je détourne légèrement les yeux. Me frapper pour s’amuser ? Non, je ne dirais pas ça dans ce sens, ma mère a juste du mal à être…Ben une mère quoi. Maman trop tôt, maman d’une nature différente, elle n’a jamais assumé ce rôle, léguant à ma grand-mère le soin de m’élever et ce, jusqu’à sa mort. Bien sûr, après elle a dû reprendre les rênes, mais elle n’y est jamais parvenue. « Non, disons qu’elle n’était pas faite pour être mère. » Le timbre de ma voix ne ment pas, la peine, la souffrance, la rancœur mais également les regrets s’y pointe doucement alors que je repense aux années égarées. Ces soirées collées à ma grand-mère alors que ma génitrice était en boite de nuit, se déhanchant auprès de mâles quelconques pour oublier mon père. Oui, les bons petits plats de celle qui m’a élevé, troqués contre les boites de conserves de ma mère. Je laisse un léger soupire m’échapper, comme l’évidence même d’un combat que je ne cesse de mener pour ma triste liberté. Souvent, je me suis demandé si elle m’aimait, si elle n’aurait pas dû m’abandonner pour vivre sa vie comme bon lui aurait sembler. C’est cruel d’en arriver là, mais la cruauté fait partie de la vie n’est-ce pas ? La preuve en est avec Lysandre et moi, assis l’un près de l’autre, parlant comme si deux années plus tôt, nos chemins ne s’étaient pas croisés.

« Pourquoi tu ne te bats pas si t’es sûr de cette évidence ? Fin…Instinctivement, tu devrais pouvoir te défendre, tenir à quelque chose ou à quelqu’un, assez pour prouver que t’as le droit d’exister…comme il y a deux ans. » Regard qui se pose de nouveau sur elle, je parle sérieusement, peut-être un peu trop. Pourquoi baisser les bras alors qu’elle tient encore debout ? Pourquoi faner alors qu’elle pourrait encore éclore petit à petit ? Réaction que je ne comprends pas, moi qui n’aie jamais cessé d’y croire, de m’accrocher à un soupçon d’espoir, aussi subtile soit-il…je refusais de complètement crever sans m’être battu avec acharnement. Sourire léger qui vient alors qu’elle me demande pourquoi je ne fou pas une râclée à ma mère…Bonne question. « Peut-être parce que c’est mon alpha…ma mère…Je pense…j’sais pas, j’espère qu’au fond elle m’aime quand même un peu. J’ai qu’elle tu sais, j’ai plus personne…j’ai passé mon enfance enfermé dans un appartement, je connais que ce mode de vie et j’ai souvent dépassé les limites pour la rendre fière…mais c’est jamais assez. » Je hausse les épaules en soupire, passant une main dans ma nuque avant de redresser le visage vers Lysandre. « Et toi ? Pourquoi tu veux plus te battre ? » Curiosité malsaine, je laisse mes iris glisser dans les siennes, m’étant mis à jouer avec une pierre égarée sur le sol rocailleux des catacombes. « Il y a deux ans j’ai essayé de te tuer et j’y suis pas arrivé…je crois pas que ce soit pour que tu te laisses crever ici. »

Je n’y vois pas l’intérêt, la subtilité de la chose. Je vois pas pourquoi elle finirait pas baisser les bras, alors que deux années plus tôt, elle luttait avec acharnement, refusant de mourir. Je trouve ça stupide, je trouve ça complètement désolant et lâche dans un sens.

 

 

Drôle de sensation que celle de se mettre à parler. Elle qui avait toujours été bridé dans ses paroles, ses gestes ou ses pensées… trouvait cela fondamentalement libérateur. Le silence qu’elle tenait plus encore depuis ses deux années pour s’effacer aux yeux du monde semblait se rompre par cette évidence : elle allait crever, à quoi bon se faire discrète maintenant ! Et puis, il y avait une écoute réelle qu’elle pouvait percevoir chez Adsila. Drôle de chose encore… habituellement les gens n’attendaient que de pouvoir rebondir sur ses paroles pour creuser l’écart sans même le voir, pour se valoriser… Alors Lysandre s’enterrait dans le mutisme, et observait la plupart des humains de ce monde de loin, parce qu’elle n’était qu’un faire valoir pour ceux qui aimaient se donner bonne conscience ou voir en elle la preuve qu’ils n’étaient pas des ratés. L’Amarok possédait une telle rancœur en lui… mais il ne la laissait pas prendre le dessus. Cependant ses paroles n’étaient pas dans le vrai, et la rouquine le fixa alors sans ciller, essayant de comprendre le moindre de ses mots avec exactitude, de ne pas rater un coche. Mais il semblait désormais s’exprimer plus clairement et la jeune femme fronça alors les sourcils d’incompréhension. Tenir à quelqu’un ou à quelque chose. Non. Elle avait beau chercher, rien ni personne ne pouvait se vanter de l’accrocher ici. Il y avait bien eu son Doppleganger, mais il avait choisi lui tourner le dos. Quant à sa mère… n’en parlons pas. Elle haussa une épaule, celle qui n’était pas collée contre la paroi et se gratta la joue avec en laissant Adsila continuer. Elle gardait à nouveau le silence, baissant les yeux vers le sol une nouvelle fois, avec un air plus affligée qu’autre chose.

Alpha…

Elle avait répété le mot qu’elle comprenait enfin, bien que la signification soit certainement bien plus forte pour lui. Elle connaissait tout des Amarok comme des autres créatures, on lui avait enseigné cela. Pourtant les détails échappaient étrangement à sa mémoire pourtant si performante d’ordinaire… Un instant troublée par cela, elle s’empressa d’activer ses neurones pour en retrouver l’usage et ajouter.

Je préférerais être une Oméga, que de subir de telles humiliations. C’est lâche de ne pas réagir.

C’était marrant, vu qu’à priori, lui aussi la trouvait lâche. Mais si Lysandre avait appris les secrets des créatures pour les traquer, lui, que savait-il des sévices portés aux enfants de Sion durant l’apprentissage ? Doucement, et pour ne pas souffrir de sa blessure à la tête, la jeune femme la reposa contre le mur et puisa sans ses ressources pour essayer de s’exprimer clairement.

Je ne peux plus me battre parce que j’ai déjà perdu. L’adversaire que je dois affronter, tu ne lui arrives pas à la cheville. Personne ne pourra m’aider. Je suis seule contre lui, et je suis désarmée.

Le vexer par ses propres ? Elle n’avait même conscience de cette possibilité, et se contenta de croiser les bras pour continuer en retenant la peur, cette terreur indicible que lui inspirait ce maitre et ses sombres pouvoirs.

As-tu déjà affronté un Sioniste expérimenté ? Je veux dire, je n’étais qu’une apprentie, je ne compte pas. Lui, c’est un maître. Un traqueur. Chevronné dans l’art de chasser et de dépecer les créatures les plus féroces, sans compter ses pouvoirs. Il est plus fort… et il n’est pas le seul à mes trousses. Et puis je n’accorde pas autant d’importance à ma vie pour la préserver de lui. J’ai suffisamment fui. J’suis fatiguée de me battre contre les Sionistes ou les Humains. Toi tu peux… c’est que ta mère.

Si Arès l’entendait parler autant, il en tomberait probablement inanimé…

     

Drôle de sensation qu’est celle de parler avec la personne qui, en quelque sorte, à bousiller ma vie autant que j’ai bousillé la sienne. Deux âme vagabondes, deux corps meurtris à jamais. La tuer aurait pu être si facile à l’heure actuelle, face à son air dépité, résolut. Il suffirait d’une transformation et encore, à mains nues je pourrais y parvenir sans grandes difficultés. Force plus élevée que la moyenne, j’aurais pu lui tordre le cou sans ciller. Et pourtant, me voilà en train de l’observer, de tenter de comprendre ce retournement de situation, cette âme éteinte et sans étincelles. La conversation dérive vers des obstacles que je n’aurais jamais imaginé aborder avec elle et encore, avec une telle facilité. Comme si après nos rancœurs s’offrait la possibilité de vider notre sac, de communiquer. Elle murmure le mot « Alpha », comme une évidence. Je souris en coin, détournant le regard. Oui, Alpha, elle avait belle et bien devant elle le futur chef de meute. Un être sûrement trop fragile, un être incapable de rendre fière sa génitrice qui, au final, est la cause de beaucoup de choses. Peut-être que si elle m’avait offert un peu d’amour, un peu de tendresse je n’en serais pas là aujourd’hui, qui sait… « Ouai, Alpha. » Murmurais-je à mon tour, cherchant à me dissuader qu’un jour, je porterais ce rôle sur mes épaules. Vingt-et-une année et déjà condamné à un avenir évident, un avenir qui pèse lourd sur mes épaules…promesse de chaînes sans réelle liberté.

A ses paroles, je tourne les yeux vers elle en ricanant. « Tout aussi lâche que d’abandonner, une vie d’Omega est loin d’être le pied, compare ta vie à celle d’un Omega et ça sera pareil. » Je n’ai jamais eu un grand respect pour les Oméga. Nous ne sommes pas faits pour vivre seuls, j’en suis persuadé, la solitude chez un loup est une chose de brutale. Haussant un sourcil alors qu’elle me dit que je n’arrive pas à la cheville de son adversaire, personnellement, je n’en ai rien à foutre de lui. « Tu vois, contrairement à toi, moi j’ai des gens derrière moi alors que toi, t’es toute seule. Alors à ta place, j’éviterais de ta la jouer insolente. Peut-être que ton adversaire est fort, mais moi je ne suis pas sans défense. Tu ne sais absolument pas de quoi je suis capable, deux ans se sont écoulées et si je devais reprendre un tel affrontement, je n’en sortirais pas perdant. » Ma mère s’en est largement assurée. Les entraînements se sont intensifiés, sont devenus plus virulents, plus violents. Je n’avais néanmoins pas élevé la voix, me contentant de parler normalement bien que mes cordes vocales c’étaient mises à vibrer légèrement. Me redressant doucement, j’essuie mes mains sur mon pantalon d’un air lasse. « Et après c’est moi que tu traites de lâche ? A vraie dire, tu fais pitié Lysandre. Tu t’apitoies sur ton sort et tu oses donner ton avis sur la situation des autres…Tu ne connais pas ma mère et je te conseil de ne jamais croiser sa route. »

Oui, cette fois je suis tout à fait sérieux. Si Lysandre devait croiser la route de ma mère, je ne donnais pas chère de sa peau. « Alors, au lieu de chialer sur ta pauvre petite existence, bouge ton cul et reprends là en main. Tu veux crever ? Prend un couteau et tranche toi la gorge, ça ira plus vite…laisse pas les autres faire le sale boulot. » Plantant mon regard dans le sien, je souris légèrement, me penchant pour poser deux doigts sous son menton pour l’obliger à me regarder. « Sinon, fais preuve d’un peu de courage et vis, simplement… »

 

   

Elle aurait tant aimé répondre à chacune de ses répliques, à chaque phrase qu’il avait pu lui sortir avec cette verve étrange qui l’avait forcé à tourner son visage vers lui. A écouter, attentivement. Mais vite, il n’y eut plus de doute : il serait incapable de comprendre. Il vivait dans le vrai monde, Adsilla. Malgré ses séquelles, ses chaines ou les luttes auxquelles il prenait part… il vivait dans le vrai monde. Il n’avait pas été arraché à sa famille pour être forgée comme une guerrière dont les meurtres de Créature seraient célébrés. Dont les actions de purification seraient ensuite applaudies par tous. Par les Humains. Jusqu’à ne plus être qu’un tas de chair inutile dont on se débarrassait sans ciller. Pas d’amour, pas de rédmption. Juste un perpétuel combat… Simple enfant, Lysandre avait été déjà bien trop meurtrie dans ses chairs et dans son âme. Elle avait bien du mal aujourd’hui, à comprendre le monde, les gens…à communiquer. Elle raisonnait simplement, de manière analytique, sans fioritures… Et c’était sans doute pour cette raison qu’elle n’entendait que l’incohérence du discours d’Adsilla. Là où il n’avait pas tord en revanche, c’était sur la mort qu’elle devrait se donner. Ça… Lys’ le savait, elle avait même tenté de se tuer avant que Mads ne l’en empêche. Mais à terme, elle savait que cela serait le cas. Qu’elle devrait se rompre le cou quelque part. Inconsciemment, elle c’était peut-être laissé du temps … Peut être pour Arès. Mais son destin était scellé, à quoi bon se mentir ? Ou expliquer…

Elle n’émit pas un son, pas une révolte à l’encontre de l’Amarok qui pourtant se montrait déraisonné et fort peu lucide. Comprenait-il seulement ce qu’était un Sioniste ? Il semblait tellement … inconscient. C’était même drôle de parler ouvertement ainsi du fléau du monde surnaturel. Mais Lysandre émit un faible rire en arrachant son menton de la main qui le retenait, pour lâcher d’un air réellement diverti :

Et dire que l’on me traite de naïve … Tu l’es tellement plus.

Vivre, c’était impossible pour une fille comme elle. A croire que la rouquine n’était pas faire pour cela. Aux yeux des Sionistes, elle dvait mourir. Aux yeux des Humais elle l’était déjà depuis ses 9 ans et la découvrir en vie alerterait ses bourreaux. Alors elle haussa les épaules, ignorant vertueusement les paroles de l’Amarok pour se relever et s’épousseter comme si rien n’était. Comme s’ils n’avaient jamais parlé de mort ou de tourment.

Je n’ai plus envie de parler. Cela ne mène à rien.

Une affirmation logique puisque l’un et l’autre ne se comprenait pas, mais en aucun cas un reproche. Mais plutôt que de le planter là comme la sauvage qu’elle était pourtant, Lysandre sembla réfléchir un instant avant de se tourner à nouveau vers le loup.

Tu veux venir au buffet ?

Au moins… il avait une proie commune ce soir, cela suffirait probablement. Et dans un geste étrange que li dicta une certaine spontanéité, la rousse tendit une main à l’Amarok en attendant de voir s’il la saisirait pour venir avec elle.

     

Nous sommes différents, c’est certains, ça se voit, ça se sent, ça se respire. Nous sommes nés dans deux mondes bien distincts, entourés de personnes, de règles qui ne sont pas semblables. J’ai eu la chance de naître en tant que futur alpha, mais la malchance d’avoir une mère comme la mienne. Sur protective à l’excès, m’étouffant, me jugeant constamment. Elle a fait de moi ce que je suis aujourd’hui, ce que je n’aurais probablement pas été si elle avait fait les choses différemment. Mais telle est la vie, nous ne pouvons pas la changer, notre destin est ainsi fait, scellé d’avance ? Non, pas que je sache, je ne veux pas croire que ma vie se résume à ça. J’ai besoin de croire en autre chose, j’ai besoin de me dire que ça sera plus facile demain…toujours plus facile. Elle se dégage et je soupire, secouant la tête de droite à gauche. « Je préfère être naïf que complètement stupide, chose que tu es, chose certaine. » Dis-je simplement dans un léger grognement, haussant les épaules alors que je l’observe se redresser. Elle ne veut pas en discuter, elle ne veut pas en parler. Nous sommes dans une impasse, c’est évident. Notre vision est différente, implacable, nous ne changeront pas d’avis et sur ce point, nous sommes d’accords. « Effectivement, ça mène à rien. » Murmurais-je lassé par cette évidence, alors que je passe une main dans mes cheveux, les ébouriffants de nouveau…a croire que rester coiffer n’est pas envisageable.

Elle me tend alors la main en me demandant si je veux aller vers le buffet. Surpris, j’observe sa main l’espace d’une seconde ou deux, hésitant. Finalement, je me résigne, haussant les épaules tout en prenant sa main dans la main, me redressant à mon tour. « Mh…j’ai la dalle, donc pourquoi pas… » Sauf qu’à ce moment-là, des bruits de pas arrivent et deux corps se distinctes non loin de moi. Instinctivement, je tire Lysandre derrière moi, ayant reconnu l’odeur des deux Beta. « Adsila, on t’a cherché partout bordel ! Ta mère te cherche, elle est sur les nerfs et…c’est qui celle-là. » Les deux Amaroks se figent en observant la jeune femme de haut en bas, ayant remarqué ma main dans la sienne, main que je n’avais pas bougée. La lâchant calmement, je dis d’une voix décontractée, cherchant à stopper les battements de mon cœur. « Personne…elle s’est perdue dans les catacombes…J’ai pas besoin de nourrices, j’vais revenir, je risque rien c’est bon… » Pourtant, ils ne semblent pas vouloir bouger. « Josh aussi te cherche et si il te trouve, ça sera moins drôle qu’avec nous…alors, retourne près de ta mère…si jamais elle te voit avec…elle…ça va le faire moyennement. » Et il a raison, si jamais elle me voit en compagnie de Lysandre, je ne donne pas cher de la fin de soirée. « Ouai…j’arrive c’est bon, partez devant. » Ils ne bougent pas, je pousse brusquement un grondement sévère en avançant d’un pas, me faisant bien plus imposant.

« J’ai dit, j’arrive ! » Ils s’observent, ils hésitent, mais finalement, ils commencent à s’éloigner. Lâchant Lysandre, je me tourne vers elle en silence. « Le devoir m’appel, on se reverra…peut-être…en attendant, dévalise pas trop le buffet, laisse-m’en un peu tu seras gentille… » Petite sourire taquin, je recule d’un pas, puis d’un autre sans la quitte des yeux. « Prends soin de toi, si quelqu’un doit te tuer, j’aimerais bien que ça soit moi… »


 

   

Est-ce qu’il venait réellement de la traiter d’idiote ? Le sang de la jeune fille ne fit qu’un tour, avant qu’elle ne se calme aussi rapidement que tout ceci lui était monté à la tête. Relativiser, Lysandre était une experte dans ce domaine. Enfin, c’était surtout une discipline qu’on lui avait apprise au prix de bien des tourments, que de savoir taire ses émotions pour toujours garder le contrôle. S’effacer, au profit de la maitrise de soi. Avait-elle déjà éprouvé de la vraie colère… sans ce voile qu’elle avait déposé depuis longtemps sur ses émotions ? Peut être pas. Ni colère, ni amour, ni pitié. Seulement la terreur et la douleur. C’était ce qui forgeait le mieux, après tout. C’était pourtant cela qui l’avait longtemps sauvé, de pouvoir observer le monde sans émotions, agir comme un animal pouvait le faire, avec une objectivité muée d’instinct et de logique. Et c’était aussi cela, qui lui permettait de ne pas en vouloir à Adsilla. Elle comprenait son acte d’antan… Même si elle en avait souffert, même si Lysandre pouvait le condamner au centuple pour cette attaque qui lui avait tant coûté, il n’était pas question de pardon. Pas besoin de pardonner, c’était ainsi, c’était la vie. Les rivaux se battent, et le chasseur abat la proie. C’était dans l’ordre des choses… La main tendue était aussi un peu un signe, la preuve qu’elle n’avait pas d’animosité malgré les séquelles et les tourments. Il était à l’origine de bien des maux, mais pas les pires. A quoi bon le blâmer cela ne changerait rien. Et puis, même s’il ne comprenait pas, la rouquine savait qu’elle serait bientôt disparue de cette terre. Perdre son temps en représailles était vraiment la dernière chose à faire.

Mais alors qu’il acceptait son invitation non sans étonnement, un écho parvint à Lysandre au moment où des individus s’amenèrent. Deux types, devant qui Adsilla eut le réflexe de ce placer tandis que Lysandre observait la scène dernière lui avec une désinvolture curieuse qui laissait bien voir qu’elle n’ignorait pas l’appartenance des deux hommes à la meute. Mais surtout, qui faisait comprendre qu’elle n’avait pas peur, puisque c’était bien le cas. Sans crainte, elle braquait ses yeux dans ceux des Bêtas. Pourtant elle les baissa rapidement en se rendant compte que le jeune homme avait gardé sa main dans la sienne. Le geste devait avoir une signification, elle l’ignorait cependant, et préféra le laisser faire jusqu’à ce qu’il commence à partir, après l’avoir lâché. Sa tirade sur le fait de la tuer lui arracha une sorte de petit sourire en coin.

Y’a aucune chance que tu y parviennes … baltringues.

Là encore, la phrase était empruntée à un film que lui avait montré Arès mais pour une fois, c’était plutôt à propos. Mais avant qu’il ne disparaisse, elle fit quelques pas rapides pour le rattraper et le frapper à l’épaule.

T’es qu’un suiveur. Promets-moi qu’un jour ça va changer. Je ne veux pas crever à cause d’un type même pas capable de se débarrasser de sa mère.

Il était certain qu’elle ne le reverrait jamais, mais étrangement, Lysandre ne voulait pas le savoir à jamais bridé entre les griffes de son Alpha.

     

Sa main tendue me laisse un peu perplexe, en réalité, toute cette situation est étrange. Là où ma mère aurait sûrement étripé la jeune femme, moi, je faisais preuve de plus de…maturité ? Je contrôlais, pour une fois, mes propres émotions. Ma colère, ma rancœur, essayant d’étouffer bien des choses pour laisser place à d’autres sensations. Ça fonctionne, elle est toujours bien vivante et je ne l’ai pas encore bouffée, bien qu’en réalité, l’idée de croquer un morceau ne me vient pas à l’esprit tellement elle est dans un sale état. Si je dis en faire mon repas, autant qu’elle ait quelques kilos en plus non ? Parce que là, elle n’a que la peau sur les os et je pourrais la briser comme une foutue allumette. Prenant sa main dans la mienne, je me redresse, mais notre allé pour le buffet fut rapidement interrompu par deux betas qui ne se gênent pas pour me rappeler à l’ordre et me poser bien des questions. Je déteste ça…je suis pire qu’un animal traqué, toujours sous surveillance, la poisse. Je fais comprendre à ceux-ci qu’ils doivent s’en aller, que je ne vais pas tarder à venir. Ils hésitent, je dois faire preuve d’une certaine autorité. Je ne suis pas un alpha, mais je le serais un jour, autant ne pas me casser les pieds si ils ne veulent pas avoir la vie impossible plus tard. Ça, ils en sont conscients et c’est pour cette raison qu’ils finissent par reprendre la route, non sans j’en suis sûr, prévenir ma mère au passage.

Finissant par quelques mots, je souris en coin face aux paroles de la rousse. « On verra ça gamine, on verra ça. » Faisant demi-tour, je commence à m’éloigner sauf qu’elle ne semble pas en avoir fini avec moi. Elle me frappe l’épaule et je grogne, posant mon regard sur elle. « T’es sérieuse ? Tu viens vraiment d’essayer de me frapper avec ta force de moucherons ? » J’en serais presque amusé si ses paroles ne me firent pas hausser les épaules. Un suiveur…elle a raison, pour l’instant, je ne fais que suivre les ordres, menant ma vie comme ils l’entendent et non pas comme moi je l’entends. « Mh, le jour ou je devrais te tuer gamine, je serais plus un beta mais je dirigerais ma propre meute, ne te fais pas de souci pour ça... » Je souris très légèrement, presque amusé par cet échange morbide et pas très habituel. Néanmoins, je secoue la tête, n’en revenant pas de ce que je m’apprête de faire. Sortant un bout de papier froissé, un stylo qui ne me quitte que très rarement, j’écris quelques mots sur celui-ci. Une adresse pour être plus exacte, venant mettre le papier dans sa main. « Histoire d’être sûr que ça soit moi qui t’achève, si t’es vraiment en danger, en dernier recours, rapplique à cette adresse aux horaires indiquées. C’est là où je bosse, si j’y suis pas, rapplique à la seconde adresse, c’est là où j’habite »

Je prends de gros risques, mais après tout, je n’en ai rien à faire. Chez moi, c’est à peine si j’y suis seul, toujours entouré de l’alpha ou de beta, du coup, même si quelqu’un rapplique, il devra faire face à plusieurs amarocks et nous sommes loin d’être de petites choses fragiles. « Maintenant dégages d’ici avant de te retrouver avec les deux jambes cassées et, refiles pas cette adresse à n’importe qui, ça me ferais chier de devoir tuer chaque personne qui rappliquera… »
 

   

Drôle de personnalité que la sienne. Drôle de rencontre, aussi. La situation aurait peut-être dû être tendue, cela l’aurait peut-être été en effet si Lysandre s’était rendue agressive, à revoir ce visage qui s’était autrefois déformé pour laisser place à un museau dentelé. L’agression datait, mais ce n’était pas cela qui rendait Lysandre si calme face à son ancien agresseur, victime par la suite de ses pouvoirs de Sion. C’était aussi la force qu’elle avait mise dans le combat, les séquelles qu’elle lui avait laissé, et aujourd’hui l’évidence qui les désignait tout deux comme des inconnus qui n’avaient pas eut la chance de s’éviter un jour où Adsilla avait besoin de prouver quelque chose. A sa mère, à sa meute ou au monde entier… pour la rouquine, la vengeance n’avait aucun sens, aucune utilité. A l’instar de la rancœur, c’était une perte de temps et d’énergie. Raison pour laquelle la jeune femme s’était laissée porter par la conversation malgré son statut de condamné, et malgré les insinuations et agressions verbales d’Adsilla. Il pensait bien ce qu’il voulait… c’était un être surnaturel, né dans ce monde-là, et qui certainement se laissait régir par des règles qu’elle ne comprenait pas, et réciproquement. Mais Lysandre avait conscience qu’il avait, peut-être, essayé de trouver des mots pour l’aider un peu. Malheureusement, il n’y avait rien à faire… se battre ou bien fuir, cela ne ferait qu’exciter les instincts de son bourreau. Puisqu’elle avait perdu face à Mads, c’était encore plus stupide de se battre contre Adsilla.

Cependant il y avait une chose que la jeune femme ne comprenait pas. Il passait son temps à lancer des menaces à son encontre… La tuer. L’achever. Lysandre devait faire un effort quasi-surhumain pour se dire qu’il employait peut-être ce que les gens appelaient le « second degré ». Foutu température… Elle n’en comprenait même pas le nom ! Mais un sourire cependant se dessina sur son visage lorsqu’il lui assena encore une possiblement fausse intimidation. Le jour où il dirigerait sa meute… il en était encore loin le pauvre garçon. A moins d’un miracle du nouvel an (LOL). Elle perdit son sourire au profit d’une expression curieuse lorsqu’il commença à griffonner quelque chose sur un papier. Rapidement, elle s’en empara comme il le lui tendait pour déchiffrer les lettres et les numéros. Elle émit cependant un rire à l’évocation des jambes cassées. Il était marrant quand même … A croire qu’il était sûr de sa force ! Lysandre avait peut-être l’air d’une brindille, mais la vie pouvait témoigner qu’elle était aussi solide qu’un arbre centenaire.

Arrête de grogner louveteau… Tu ne sais pas encore le faire correctement. Mais ne t’inquiète pas, je ne risque pas de venir accompagnée. Peut être même de venir, tout court. Les tanières de loup c’est pas forcément très sécurisant pour une ex-Sioniste hein ? Surtout s’il y a ta mère, il parait que je dois en avoir peur…

Conviction… Elle s’en alla alors récupérer son sac à dos qui attendait plus loin et y fourra le papier. Il était fort peu certain qu’elle vienne trainer sa carcasse du côté de ces endroits là… mais le geste était plutôt sympa, elle avait au moins conscience de cela. Même si la jeune femme ne comprenait pas réellement les motivations du loup, c’était une attention remarquable. Une fois son sac à dos lancé sur son épaule, elle remit en place une godasse dont la semelle se barrait un peu de travers, et recula dans un tunnel jusqu’à ne presque plus voir la silhouette du loup. Comme si elle gravait son visage dans sa mémoire, où qu’elle lui disait adieu aussi, d’une certaine manière. Puis elle lança tout de même, juste avant de disparaitre.

Prends-soin de toi. Peut être qu’on se recroisera un jour. Qui sait, à un autre buffet ?

Elle n’y croyait pas une seconde… mais après tout le destin avait été suffisamment facétieux ce soir pour forcer leurs routes à se croiser une nouvelle fois.